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                   3. Zatoichi (2003) 
                   
                    |  |  
                        Kitano revient avec « Zatoichi », long-métrage 
                          qui tranche, c’est le cas de le dire, avec tout 
                          ce qu’il a fait jusqu’à maintenant. 
                          Le personnage nommé Zatoichi fait partie intégrante 
                          de la culture populaire japonaise. Pendant près 
                          de 20 ans, l’acteur Shintaro Katsu l’a fait 
                          vivre sur le petit écran. Au départ, Kitano 
                          ne voulait pas jouer Zatoichi car il avait trop de respect 
                          pour Shintaro Katsu disparu en 1997. Lors d’un repas, Chieko Saito, la directrice 
                          d’un théatre d’Asakusa a déclaré 
                          à Kitano qu’elle allait lui demander une 
                          faveur. Sans se douter de ce qu’il en retournait, 
                          Kitano a accepté. Mme Saito lui a alors dit qu’elle 
                          voulait voir Takeshi en Zatoichi. Kitano a répondu 
                          non, il a d’ailleurs faillit s’exiler à 
                          l’étranger pour ne pas avoir à tenir 
                          sa promesse. Finalement, Kitano s’est décidé. |  
                   
                    |  Jamais il n’aurait 
                        pu le faire si Shintaro Katsu avait encore été 
                        en vie. Pour se démarquer de son illustre prédécesseur, 
                        Kitano a ré-interprété l’histoire 
                        afin de se l’approprier et de l’adapter à 
                        son cinéma. Le personnage de Zatoichi change de 
                        look, en effet, Kitano a décidé de se teindre 
                        les cheveux en blond, de ce fait il s’écarte 
                        vraiment de l’image classique de Zatoichi. Dans 
                        le film, tout est d’époque, sauf la coiffure 
                        de Kitano ! Zatoichi est un aveugle masseur et joueur 
                        professionnel. Il roule sa bosse sur les routes nippones 
                        du 19ème siècle, sa canne sabre à 
                        la main. C’est en fait un samurai redoutable, digne 
                        des figures les plus emblématiques du Chambara. |    
                   
                    | « 
                        Zatoichi » a beau être un film de commande, 
                        il est très intéressant de découvrir 
                        comment Kitano va pouvoir relever le défi. Inutile 
                        de garder le suspense plus longtemps, le pari est gagné 
                        haut la main. Afin de proposer autre chose qu’une 
                        simple adaptation de son cinéma au film de sabre, 
                        Takeshi Kitano laisse pas mal de ses concepts fétiches 
                        au placard et signe un de ses films les plus jouissifs 
                        et légers. Le spectateur découvre rapidement 
                        un autre Kitano, moins contemplatif, moins reconnaissable. 
                        Sa mise en scène est plus |  |  
                   
                    |  
                         dynamique et linéaire. 
                          Seuls quelques passages relèvent de la signature 
                          purement formelle du maître comme la femme qui 
                          suit l’homme en file indienne, marque de fabrique 
                          depuis « A scene at the sea » et poussé 
                          à l’extrême avec « Dolls » 
                          ou encore le montage scène réelle/flash 
                          back dans le même plan rappelant les montages 
                          époustouflants de «Hana-bi » et « 
                          Dolls ». Même si « Zatoichi » est moins marqué 
                          stylistiquement que les autres films, il se révèle 
                          être un authentique film de Kitano. Par exemple, 
                          les personnages sont très fidèles à 
                          son cinéma. Vous croiserez une vieille dame sage 
                          et accueillante, deux enfants rendus orphelins par les 
                          armes que l’on suit sur plusieurs années 
                          (de l’enfance à l’adolescence) garants 
                          de la dose dramatique indispensable à un film 
                          de beat Takeshi, une galerie très fournie de 
                          méchants en tout genre, des comiques de service 
                          à mourir de rire tout droit échappés 
                          de « L’été de Kikujiro », 
                          un samurai charismatique aimé d’une femme 
                          malade. Celui-ci va se positionner du mauvais côté 
                          de la frontière qui sépare le bien du 
                          mal. C’est aussi le seul combattant à pouvoir 
                          inquiéter le Héros. |    
                   
                    |  | Ce samurai 
                        employé à contre emploi est interprété 
                        par l’impeccable Tadanobu Asano déjà 
                        vu dans « Tabou » de Oshima, « Ichi 
                        the Killer » de Miike ou encore dans « Gojoe 
                        » de Sogo Ishii.Ce ronin, garde du corps à ses heures est un personnage 
                        à la fois réel et irréel, il ne pose 
                        pas de question, il s’exécute ? En fait, 
                        son corps est le prolongement de son sabre et non l’inverse. 
                        Tous les coups qu’il porte font mouche. Zatoichi 
                        est son contraire. Il apparaît tout de suite sympa 
                        en aidant
 |  
                   
                    |  une paysanne à 
                        porter ses lourds fardeaux mais le spectateur n’est 
                        pas dupe et cela dès la première minute 
                        du film qui présente Zatoichi dans ses œuvres, 
                        à savoir une habilité et une agilité 
                        rare dans le maniement du sabre. Notre masseur aveugle 
                        a beau être gentil, chacun de ses combats se traduit 
                        par une débauche de violence inouïe et fulgurante. 
                        Le sang gicle en geysers et les corps sont mutilés, 
                        lacérés ou démembrés. Les 
                        giclées d’hémoglobine sont réalisées 
                        en 3d et très bien intégrées à 
                        l’action réelle. Une première pour 
                        Kitano. Cette violence est en fait une violence de comic 
                        book, elle est trop démonstrative pour qu’on 
                        la juge au premier degré. |     
                   
                    | Certes, on a pas envie 
                        de se marrer quand on voit un combat de Zatoichi mais 
                        on en est pas pour autant malade jusqu’à 
                        quitter la salle. Rien à voir avec la violence 
                        d’un « Violent Cop » ou d’un « 
                        Irréversible ». Chapeau à Kitano l’acteur, 
                        plus expressif qu’à son habitude et parfaitement 
                        crédible dans on rôle de combattant aveugle. 
                        Son style est jouissif à souhait et sa rapidité 
                        d’exécution est foudroyante. Les autres duels 
                        menés par le garde du corps de la partie adverse 
                        sont eux aussi très réussis et jamais répétitifs. 
                       |  |  
                   
                    | Cette violence dictée 
                        par les armes se marie à celle plus psychologique 
                        et désespérée incarnée par 
                        les 2 orphelins voulant venger l’assassinat de leurs 
                        parents. Leur histoire dramatique est très touchante 
                        et souvent émouvante. Je veux rien dévoiler 
                        mais attendez vous à être maintes fois surpris 
                        par des rebondissements scénaristiques très 
                        bien amenés. La violence est donc un personnage 
                        central du film de Kitano mais elle est largement contrebalancée 
                        par un humour irrésistible.  |    
                   
                    |  | Le 
                        neveu de la paysanne chez qui loge Zatoichi, féru 
                        de jeu et accessoirement prof pas du tout crédible 
                        de sabre est le ressort comique principal du film. Chacune 
                        de ses apparitions est construite de manière à 
                        susciter le rire du spectateur et ça marche ! On 
                        notera aussi le voisin simple d’esprit qui court 
                        à moitié nu, armé d’une lance, 
                        tout autour des maisons en vociférant. « 
                        Zatoichi » est donc très riche en personnalités 
                        diverses et variées. Les méchants qui mposent 
                        des taxes aux pauvres  |  
                   
                    | ipaysans ou marchands 
                        sont en fait les futurs yakusas des autres films de Kitano. 
                        Ils n’hésitent pas à tuer des innocents 
                        pour augmenter leur pouvoir ou même à s’engluer 
                        dans la mécanique de l’horreur des guerres 
                        de gang, ça rappelle « Sonatine ». 
                        Kitano parle du 19ème siècle comme il l’a 
                        fait avec le 20ème. Les personnages, les lieux 
                        et les enjeux sont les mêmes. On retrouve donc les 
                        yakuzas, l’univers du jeu et des paris comme dans 
                        « L’été de Kikujiro » 
                        et toujours quelques électrons libres, en marge 
                        d’une société dirigiste et financière. |    
                   
                    | Aux commandes de « 
                        Zatoichi », Kitano excelle et s’amuse, c’est 
                        évident. Les plans sont magnifiques, mention spéciale 
                        au combat sous la pluie. Les cadrages, c’est une 
                        habitude chez ce réalisateur sont élaborés 
                        au millimètre. La direction artistique est parfaite 
                        et on ne s’ennuie jamais. Les combats arrivent toujours 
                        au bon moment, les dialogues sont très bien écrits 
                        et préparés avec soin comme le confirme 
                        tadanobu Asano surprit par un tel degré de professionnalisme. 
                        En fait, on a vraiment l’impression que Kitano n’en 
                        est pas à son premier |  |  
                   
                    |  film de sabre. Autre 
                        prouesse de mise en scène : la séquence 
                        finale de claquettes qui n’a rien à envier 
                        aux grandes comédies musicales d’outre Atlantique 
                        ! Kitano est capable de tout, il se remet en question 
                        en permanence. Zatoichi étant aveugle, Kitano a 
                        voulu travailler au maximum le son du film. Jamais il 
                        n’avait atteint un tel degré de perfection. 
                        Les bruits des lames et des coups portés sont assourdissants 
                        et font froid dans le dos et je parle même pas de 
                        la scène finale qui est d’une intensité 
                        sidérante. |     Le mixage très travaillé 
                  du son se marie très bien avec la musique synthétique 
                  mais sympathique de Keichi Suzuki. Et oui, pour une fois ce 
                  n'est pas Joe Isaishi qui s’y colle ! Même si elle 
                  n’est pas toujours parfaite ou bien utilisée, la 
                  partition au style un peu décalé par rapport aux 
                  situations et surtout à l’époque confère 
                  au film une ambiance inédite. Notons la minie chorégraphie 
                  musicale des paysans et de leurs pioches frappant la terre, 
                  plutôt bien trouvée et originale. « Zatoichi 
                  » est un grand film, à la fois sérieux et 
                  ludique qui renouvelle à la fois le cinéma de 
                  Kitano et le film de sabre. Si certains réalisateurs 
                  ont du mal à signer un film de commande, Kitano s’en 
                  tire à merveille, en s’appropriant tous les thèmes 
                  du Chambara sans renier l’essence même de son cinéma. 
                  Takeshi Kitano signe un des films les plus excitants de l’année, 
                  à la fois original et intelligent, chapeau bas Monsieur 
                  Kitano ! Le film a obtenu le Lion d’argent du festival 
                  de Venise 2003 ainsi qu’une foule d’autres prix 
                  internationaux. Par Nicolas Loubère   |  |