C’est en 1954, dans l’après
guerre, au pays du soleil levant que GOJIRA plus connu sous
le nom Godzilla apparaît pour la première fois
sur les écrans de cinéma. Le film traumatise le
public qui n’avait pas l’habitude de voir un tel
spectacle. Pendant que les américains tentaient déjà
de transporter l’animation image par image dans la crédibilité,
les japonais ont mis au point un concept simple mais efficace,
puisque le film de Hinoshiro Honda réussit son pari le
plus fou. Le concept, c’est de créer un costume
de taille humaine représentant le monstre, en l’occurrence
Godzilla et de filmer l’acteur paré du costume
dans un environnement fait de petites maquettes. En 1954, pour
le spectateur japonais , Godzilla détruisait vraiment
le Japon. Les prises de vues du monstre détruisant les
maquettes (villes, avions, ponts, tanks) sont combinées
avec des prises de vues réelles rendant le tout plus
cohérent. Le film est en noir et blanc et le réalisme
est saisissant. Un style de cinéma est né. Dès
lors la Toho détentrice de la franchise va produire et
produit encore des dizaines et des dizaines de films de monstres.
L’attrait du public Japonais
pour tout ce qui est grand ne date donc pas d’aujourd’hui.
On peut penser que l’évolution contemporaine de
Godzilla est représentée, dans les années
80 par les séries sentaï, comme « Bioman »
par exemple. « Bioman » est en fait le clone moderne
de Godzilla, seul rempart connu contre l’adversité.
Le dossier concocté par la rédaction de Asian
Connection 5 a pour but de vous présenter l’univers
du film de monstres à la japonaise. Nous avons choisi
de vous parler que des films dans lesquels Godzilla apparaît.
Après un petit topo sur Hinoshiro Honda et la Toho, place
aux films en eux-mêmes.
Inoshiro Honda est né
en 1911. Tout petit il voulait être dessinateur, mais
en arrivant au collège, son désir se tourna du
côté du cinéma. En 1933, il est engagé
chez PLC, une compagnie cinématogrphique. Il débute
comme assistant réalisateur. Entre son engagement dans
l’armée japonaise, sa capture par l’armée
chinoise, il continue à faire son job d’assistant.
Il est engagé en 1951 par la Toho. Là il rencontre
Eiji Tsuburaya, responsable des effets spéciaux. Ils
feront 3 films ensemble avant de se lancer dans l’aventure
Godzilla en compagnie d’Akira Ifukube, compositeur des
nombreux thèmes du lézard géant.
A partir de ce film, sa carrière prend le chemin des
films à effets spéciaux et de science fiction.
Tout au long de sa carrière, il a entretenu une amitié
solide avec Akira Kurosawa dont il a été l’assistant
sur The Shadow Warrior (1980) and Ran (1985).
Il aura travaillé sur 46 films pour la Toho. Il est décédé
en 1993 à 81 ans.
On ne peut pas parler de Godzilla
sans évoquer Eiji Tsuburaya, le maître de la ménagerie
monstrueuse. C’est le film King Kong qui l’incita
à se tourner vers les effets spéciaux.
Tomoyuki Tanaka, le producteur de tous les films de monstres
Kenji Sahara, l’acteur le plus employé dans les
films de monstres : 16 à son actif !
Shinichi Sekizawa, le scénariste d’à peu
près tous les films
Haruo Nakajima, l’indispensable, celui qui a réellement
interprété Godzilla et d’autres monstres
dans au moins 17 films !
1954 « Godzilla »
par HONDA Inoshiro
Le double largage de bombes atomiques
sur le Japon a semble-t-il bien des conséquences indirectes:
pour preuve, cette immonde lézard de plusieurs dizaines
de mètres de haut, tout droit sorti du jurassique, qui
sort de sa tanière après des siècles d'hibernation
pour atomiser à nouveau le pays du soleil levant. Et
ce n'est que le premier épisode! Godzilla est ici, utilisé
par analogie aux bombes américaines. Le propos plus ou
moins caché du film de Honda apparaît donc très
pertinent et bien adapté à l’époque.
1955 « The Return of Godzilla
» « Le Retour de Godzilla » par ODA Motoyoshi
Un an plus tard, Godzilla est
de retour ! Mais il n’est pas tout seul : il est accompagné
de Anguirius ou Anguillas (un monstre que l’on reverra
quelques autres fois…) Les monstres s’en prennent
à Osaka. Non seulement ils détruisent tout sur
leur passage, mais en plus, ils s’affrontent ! A la fin,
Anguillas est tué et Godzilla est emprisonné dans
un iceberg…
1962 « King Kong vs. Godzilla
» « King Kong contre Godzilla » par HONDA
Inoshiro
Sept ans plus tard, Godzilla
se réveille dans le grand Nord et décide d’aller
détruire Hokkaido. Pendant ce temps, une expédition
scientifique explore une île vierge de toute civilisation
moderne. Et là, ils découvrent King Kong ! Rapatrié
vers le Japon, il se libère de ses chaînes, affronte
Godzilla et sa barrière électrique et tombe amoureux
d’une jeune japonaise… Le final se joue au pied
du Mont Fuji et les deux bestioles finissent dans l’océan…
A l’origine, la Toho avait acheté les droits de
King Kong (créé par les américains en 1933)
en même temps que ceux de Frankenstein pour en faire un
film : « King Kong vs Frankenstein ». Puis le projet
s’est séparé en deux : « King Kong
vs Godzilla » et « Frankenstein Conquers the World
» (1965) dans lequel on voit une créature de 70
mètres de haut dévaster tout le Japon, on est
bien loin du classique de la littérature gothique de
Mary Shelley…
Dans « King Kong vs. Godzilla », l’opposition
Etats Unis/Japon se retrouve personnifiée dans ces deux
monstres gigantesques, et devinez qui a l’avantage à
la fin ? Godzilla, bien sûr !
1964 « Godzilla Fights
the Giant Monster » « Mothra contre Godzilla »
par HONDA Inoshiro
Un œuf gigantesque est découvert
dans une baie. De riches industriels l'achètent et font
construire un parc d'attraction autour. Cet œuf se révèle
être l’œuf de Mothra, la mite géante,
qui vit sur une île autrefois paisible, mais dévastée
par les tests atomiques. Là-dessus, Godzilla se réveille,
et détruit tout sur son passage jusqu'à l’œuf
de Mothra, dont il est bien décidé à se
faire une omelette. Un petit groupe de journaliste part sur
l'île de Mothra pour lui demander son aide. Commence alors
un combat de géant entre les deux monstres.
Dans ce film apparaît un nouveau type de monstre : le
monstre gentil ! En effet Mothra est une gentille petite chenille
de mite d’une centaine de mètres ! C’est
le seul monstre qui aide les humains délibérément.
Mothra serait la protectrice d’une ancienne civilisation
et aurait toujours combattu pour sauver les hommes. A la fin
du film, elle laisse deux petites larves pour assurer la sauvegarde
des hommes.
1965 « GODZILLA VS. MONSTER
ZERO » : « Invasion Planète X » par
HONDA Inoshiro
Les habitants de la planète
X demandent à Godzilla et Rodan de venir les aider. En
effet, ils sont menacés par Ghidora, monstre de l’espace
à trois têtes. Seuls nos deux monstres terrestres
semblent détenir le pouvoir de supprimer cette créature
spatiale ! Mais ce n’était qu’un vil stratagème
visant à laisser le Terre sans défense face à
l’attaque des trois monstres : Godzilla et Rodan ayant
été détournés par des rayons télépathiques…
Enfin, bref, à la fin, tout s’arrange !
Malgré le succès retentissant des films de monstres,
la formule narrative répétitive commence à
lasser le public. Encore plus, dans les dernières productions
on pouvait voir des scènes assez longues de rituels de
danse, de références mythologiques plutôt
indigestes au public non japonais. A partir de « Invasion
Planète X », les producteurs ont essayé
de faire des films internationaux ( !)
1966 « Godzilla Versus
the Sea Monster » « Godzilla Contre Ebirah »
par FUKUDA Jun
Un coin perdu du Pacifique, trois
îles inconnues… Sur la première, Godzilla,
un monstre bien connu se tape un petit somme, sur la seconde,
Mothra, notre gentille mite, somnole, et au milieu, fulmine
Ebirah, le poulpe géant ! Si vous ajoutez à cela,
un personnage excentrique du nom de Red Bamboo dont la principale
motivation est de conquérir le monde, vous pouvez vous
faire du souci ! Mais rassurez vous, un petit groupe de personnes
va réussir à utiliser la rage destructrice de
Godzilla contre tous ces vilains méchants !
Au départ, la star du film devait être King Kong,
mais la bête était en vacances… On retrouve
donc notre cher Godzilla pour son sixième film en tête
d’affiche et surtout dirigé pour la première
fois par Jun Fukada, un petit disciple de Honda…
1967 « Son of Godzilla
» « Le Fils de Godzilla » par FUKUDA Jun
Sur une île isolée
du reste du monde, un groupe de scientifiques préparent
une expérience météorologique. Bien sûr,
les choses tournent mal et au lieu d’une chute de neige,
c’est une pluie radioactive qui s’abat sur l’île.
Le résultat ne se fait pas attendre : Kamacuras, un insecte
mutant sort de la terre. Et comme si ça n’était
pas suffisant, Godzilla débarque sur l’île.
Il protège un objet bien intrigant : un œuf ! Un
petit Godzilla sort de l’œuf, on l’appellera
Minya. Après plusieurs scènes émouvantes
où l’on voit Godzilla enseigner à Minya
des mouvements d’arts martiaux, d’autres insectes
débarquent sur l’île ! Kumonga, une araignée
gigantesque, s’attaque à nos deux lézards.
Mais Minya veille ! Il sauve son père avant d’entrer
en hibernation (et oui, car les scientifiques ont enfin réussi
à faire tomber leur neige !)
De plus en plus, l’action des films de monstres se déroule
sur des îles lointaines. La raison ? Des budgets de moins
en moins élevés. L’exemple le plus évident
est « le fils de Godzilla ».
Le personnage de Minya, créé par Sadamsa Arikawa,
est assez controversé. Les fans sont partagés,
certains renient totalement ce film. Mais ils seront très
vite rassurés : Minya ne trouvera jamais un autre rôle
à sa mesure et n’aura que quelques petites apparitions
aux côtés de son père.
1968 « All Monsters Attack
» « Les envahisseurs attaquent » par HONDA
Inoshiro
On est en 1999. Tous les monstres
ont été placés sur une île surprotégée.
Ils vivent paisiblement jusqu’au jour où de mystérieux
rayons venant de l’espace, plus précisément,
des Kilaacs, peuple extra terrestre. Les kilaacs prennent le
contrôle des monstres et ceux-ci partent à l’attaque
du monde entier. Godzilla se rend à New York, Rodan à
Moscou, Gorosaurus à Paris et Mothra à Pékin.
Après avoir tout détruit, ils se dirigent vers
Tokyo où ils sont rejoints par Manda et Baragon. Un groupe
d’astronautes de la navette SY3 parvient à détruire
l’émetteur et les monstres sont ainsi libérés
de l’emprise des Kilaacs. Le final se déroule au
pied du mont Fuji. Tous les monstres terriens s’unissent
pour venir à bout de Ghidora, le monstre à trois
têtes dans un combat titanesque !
« Destroy all monsters » est le vingtième
film de monstres de la Toho. On n’avait jamais vu autant
de monstres réunis dans un seul film. Ce devait d’ailleurs
être le denier film avec Godzilla. Mais comme on s’en
doute, le lézard géant sera bien de retour un
an plus tard dans « la Revanche de Godzilla ». C’est
néanmoins une page d’histoire qui est tournée.
Les films suivants, aux budgets toujours plus limités
n’atteindront jamais le même résultat. 1969
marque aussi le retrait d’Honda dans la réalisation
des films de Godzilla. Il ne retrouvera son personnage fétiche
qu’en 1975 pour le dernier de la première série
de films.
1969 « Godzilla's revenge
» par HONDA Inoshiro
On pourrait qualifier ce film
de « best of » . En effet, c’est à
travers les rêves d’un jeune garçon que l’on
revoit les meilleurs exploits de Godzilla. Et c’est grâce
à ces exploits que le garçon ne tombera pas dans
la délinquance ! Un seul combat inédit, celui
de Godzilla contre Gabara. C’est un épisode mineur
de la saga Godzilla.
1971 « Godzilla vs. Hedora
» « Godzilla contre Hedora » par BANNO Yoshimitsu
Pour la première fois,
la pollution est utilisée pour faire naître un
monstre vraiment pas beau : Hedora. Se nourrissant des rebuts
de notre civilisation, Hedora ne cesse de grossir et de prendre
de la puissance. Il se met en tête de détruire
le Japon et ne laisse derrière lui que des cadavres calcinés.
Le jeune héros de l’histoire rêve que Godzilla
va venir à la rescousse et c’est ce qui arrive
!
C’est la première réalisation de Yoshimitsu
Banno et c’est sans doute pourquoi il y a autant d’intrigues.
L’atmosphère du film a quelque chose de surréaliste,
surtout la scène dans la discothèque psychédélique…
Yoshimitsu Banno aimait tellement son nouveau monstre qu’il
avait même écrit une suite, mais le producteur
détestait le style de Banno et ne lui a plus jamais laissé
diriger aucun film de monstre…
1972 « Earth Assault Order: Godzilla » «
Godzilla contre Gigan » par FUKUDA Jun
Dans ce film, on mélange
tout : le sujet écologique et l’invasion extra
terrestre ! Les habitants d’une planète proche
de la notre mais complètement dévastée
par la pollution se verraient envahir notre petite Terre. Ils
demandent de l’aide aux monstres spatiaux Ghidora et Gigan.
Pendant ce temps, nos montres terriens, Godzilla et Anguillas
se la coulent douce sur une île du Pacifique. Anguillas
est le premier à aller se battre contre les envahisseurs,
mais il revient vite chercher de l’aide auprès
de Godzilla ! Les humains s’occupant des aliens, les monstres
se battent tranquillement dans leur coin.
Les restrictions budgétaires se font encore sentir dans
ce volet des aventures de Godzilla : Fukada réutilise
de nombreuses scènes de combats entre les monstres, de
mouvements militaires et de vues des villes provenant des autres
films. Une façon facile et peu coûteuse de faire
des films. Malheureusement ce procédé sera repris
dans « Godzilla Vs. Megalon » l’année
d’après.
1973 « Godzilla vs. Megalon
» « Godzilla contre Mégalon » par FUKUDA
Jun
La population de Seatopia, un
pays souterrain, en a marre de la pollution et des essais nucléaires
faits par les hommes. Ils décident donc d’envoyer
Megalon pour détruire la race humaine. Il est aidé
dans sa tache par Jet Jaguar, un androide créé
par les humains, mais récupéré par les
Seatopiens. Heureusement, Godzilla et ses acolytes sont là
! Mais les Seatopiens ne se laissent pas faire ! Ils appellent
Gigan. Comme d’habitude, ça finit par une baston
générale et la Terre est encore sauvée
!
1974 « Godzilla vs. the Bionic Monster» «
Godzilla contre MechaGodzilla » par FUKUDA Jun
Godzilla se réveille d’un petit somme et part à
la découverte du Japon, détruisant tout sur son
passage. Mais ce n’est pas le Godzilla que l’on
connaît bien ! C’est en fait un cyborg envoyé
par les forces extra terrestres ! Bien sûr, le vrai Godzilla
surgit de nulle part et démontre que ce n’est qu’un
double synthétique qui lui casse la figure ! Pendant
que Godzilla se refait une petite santé, les envahisseurs
réveillent King Seesar, censé protéger
la Terre. Quand Godzilla est de nouveau sur pattes, il doit
affronter deux terribles monstres !
1975 « The Escape of Mechagodzilla
» « Méchagodzilla contre-attaque »
par HONDA Inoshiro
A la recherche du monstre mécanique
MechaGodzilla, un sous-marin est attaqué par une créature
d'un genre nouveau, le Titanosaure. Un biologiste et un agent
d'Interpol vont découvrir que ces 2 créatures
sont sous le contrôle d'un scientifique misanthrope aux
mains des extra-terrestres qui veut anéantir Tokyo. Mais
Godzilla veille...
Godzilla traverse donc toutes les époques et paraît
invulnérable. Il va pourtant faire un petit break et
prendre des vacances méritées. En fait la franchise
Godzilla reprendra 9 ans plus tard, en 1984 avec le film : Le
retour de Godzilla. Mais ce film n’est pas la suite directe
des films des années 70, c’est un retour aux sources.
Tous les films qui vont suivre, de 1984 à 2003 sont en
fait des remakes plus ou moins fidèles des films précédemment
chroniqués. Nous n’allons donc pas vous les présenter.
Sachez tout de même que Godzilla revient pour un ensemble
de 12 films, fabriqués à l’ancienne et faisant
perdurer toute une imagerie entrée dans l’histoire
du cinéma. En 2003, Godzilla est toujours un personnage
rituel et actuel, un vrai héros du Japon.
Par Emilie Boudeau et Nicolas
Loubère