Mamoru Oshii est né le
8 août 1951à Tokyo et a donc fêté
ses 51 ans cette année. Il a suivi des études
de cinéma jusqu'en 1975, puis entre dans le monde de
l'animation. Il va ainsi diriger dès 1977 des épisodes
de séries animées pour la télé.
Le premier étant Ippatsu Kanta-kun, il poursuit en 78
avec quelques épisodes de la patrouille des aigles, Nils
Holgersson et Lamu, dont il réalisera les deux films
en 1983 et 1984. En 1985, il continue sa carrière déjà
brillante avec L'oeuf de l'ange avant de réaliser son
premier film live, Akai Megane, les lunettes rouges.
1988 marque un tournant dans
la vie artistique de Mamoru Oshii avec ce qui va le rendre très
célèbre : Patlabor, l'OAV. L'année suivante
il réalise Patlabor, The Movie qui devient très
rapidement un film culte pour des millions de japonais. C'est
en 1991 que Mamoru Oshii signe son deuxième film live,
Kerberos Panzer Cop, dont un personnage sera réutilisé
pour le film Jin-Roh. Talking Head sera en 1992 son troisième
film live dont il sera aussi le scénariste comme sur
la plupart de ses réalisations.

En 1993, il revient dans le monde
de la science-fiction d'anticipation avec Patlabor 2 the movie
qui le consacre comme un maître du genre. Toujours dans
la SF, Masamune Shirow cède les droits de son manga culte
Ghost in the shell et c'est Oshii qui est chargé de réaliser
l'adaptation pour le cinéma. Ce long métrage d'animation
va faire le tour du monde et va élever Oshii au rang
de star mondiale de la SF.
Trop occupé à
la réalisation de son quatrième film live, Avalon,
Oshii confie la mise en scène de Jin Roh à Okiura
en 1999, mais reste l'auteur, le scénariste et le directeur
général de la production. De même, il sera
le producteur de Blood - the last vampire en 2000. L'année
d'aprés, il finalise Avalon qui marque son grand retour
sous les feux des projecteurs. Avalon, oeuvre d'une beauté
à tomber raide, se révèle être dès
sa sortie un authentique film culte comme on les aime.
Nous allons nous attarder sur
les oeuvres majeures d'Oshii : Patlabor, Ghost In The Shell,
Jin Roh et Avalon qui reste sa dernière création.
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Au début, Oshii
a été obligé de travailler sur des
séries d'animation telles Nils Olgersson, mais
il n'était pas vraiment passionné par ce
qu'on lui proposait. Oshii avait déjà envie
de se pencher sur des films plus adultes, sérieux
et plus réalistes. C'est pourquoi il décide
de devenir indépendant. Oshii considère
que son premier travail d'ordre personnel est le deuxième
film de Lamu, Beautiful Dreamer qui est un beau succès
auprès du public japonais de 1984. Fort de son
succès soudain, Oshii devient plus insouciant et
réalise Tenshi no tamago, l'Oeuf de l'ange qui
ne marche pas du tout et s'avère être un
échec commercial. Par la suite ce film deviendra
plus populaire. |
Oshii traverse alors une période
difficile. Son premier film live sort en 1987, Akai Megane,
les lunettes rouges, et c'est à nouveau un échec
cuisant qui va stopper tous les projets en cours du réalisateur.
Oshii n'avait pas su prendre en compte ce que les spectateurs
attendent d'un film, pour lui tout ce qui comptait c'était
de faire ce qu'il voulait et rien d'autre. Mais ce film n'aura
pas été inutile dans la carrière d'Oshii
puisque c'est à cette occasion qu'il a rencontré
Kenji Kawai, qui signait là sa première composition
pour un film.
Petit rappel : Après
avoir étudié à l'université Tokai,
Kenji Kawai a commence à étudier la musique à
l'académie de musique de Shobi, mais il quitte l'école
après 6 mois. Au même moment, lui avec quelques
amis créent un groupe appelé Muse, pour un concours.
Le groupe remporta le concours. Fort de ce prix, le groupe se
voyait prêt à entrer dans le monde du disque. Mais
les désirs des uns et des autres membres de Muse, ont
fait qu'ils se sont vite séparés. Kenji Kawai
rencontre alors Mamoru Oshii qui lui ouvre la porte du monde
des musiques de films et d'animés. Depuis cette première
collaboration fructueuse, Oshii fait toujours appel à
Kenji Kawai pour mettre ses films en musique, un peu comme Takeshi
Kitano et Joe Hisaishi.
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En 1988, Patlabor voit
Oshii revenir au cinéma d'animation et par la grande
porte bien sûr. Le film Patlabor est aujourd'hui
un grand classique du film d'animation japonais, il représente
ce qui se fait de mieux dans le genre.
L'histoire se déroule dans le
Tokyo du 3eme millénaire. La ville est quadrillée
par des robots, nommés Labors. Ces derniers aident
la police à combattre le crime. Le suicide d'un
inconnu sur les gigantesques lieux d'édification
du projet Babylone déclenche une série d'évènements
qui pourraient bien conduire à la destruction de
Tokyo. Les officiers de police Noah Izumi et Azuma Shinohara
enquêtent sur une vague de folie qui s'empare des
labors et découvrent de funestes plans visants
à infecter les 3000 labors avec le cyber-virus
babel. La prise de pouvoir évetuelle des robots
sur les humains et |
l'enquête menée par la police
sont les deux facette du film qui est à la fois sombre
et plein de vie. |
Patlabor est une réussite
phare du cinéma nippon. Déjà, il préfigure
ce que seront les futurs films de Mamoru Oshii : Patlabor 2,
Ghost in the shell et Avalon. On peut le ranger aux côtés
des grands classiques de la SF américaine d'anticipation.
On peut le comparer à Blade Runner, même s'il propose
beaucoup de nuances. Le point central des deux films est le
même, jusu'où peut aller l'intelligence artificielle.
Dans Blade Runner, les humains ont créés les Réplicants,
espèces d'avatars d'intelligence supérieure, mais
à la duré de vie limitée. Ces Réplicants
en viennent à se rebeller contre leur créateur
et veulent en apprendre plus sur eux-même.
Dans Patlabor, c'est
un peu diffèrent, mais guère éloigné.
Les labors créés et dirigés par les
humains n'ont pas la faculté d'agir seuls. Mais
un virus provoque leur liberté. C'est ainsi que
les robots, tels les réplicants, finissent par
se rebeller à leur tour. Comme Blade Runner, Patlabor
est fondé sur une intrigue policière. Les
héros des deux films sont donc des gradés
qui veulent comprendre se qui se passe et anéantir
l'adversité. Patlabor propose même deux enquêtes,
à savoir celle qui vise à faire la lumière
sur les labors indisciplinés, et celle qui a pour
but d'en apprendre plus sur le créateur du système
d'exploitation des Labors. |
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Cette double intrigue policière
est ponctuée par des passages à l'humanisme débordants
et riches en humour toujours renouvelé. Les personnages
sont très attachants et charismatiques, tout comme les
robots qui présentent des designs très soignés.
La réalisation du film qui date quand même de 1989
n'a pas pris une ride tant au niveau de l'animation qu'au niveau
graphique. Le film est intemporel. Les japonais sont très
visionaires et l'ont toujours été. Ce que les
américains ont proposé avec Matrix en 1999, les
Nippons en parlent déjà depuis plus "d'un
demi siècle". Mais Patlabor ne se résume
pas à une enquête de police et à des interrogations
existentielles, c'est aussi un vrai film d'action avec une séquence
finale d'anthologie qui propulse nos hèros dans un chaos
qu'ils ont eux même créé.
La musique, bien sûr signée par Kenji Kawai, se
caractèrise par l'utilisation de synthés et un
thème assez guerrier avec quelques morceaux très
calmes, presque hypnotiques.
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Quatre
ans plus tard, aprés deux essais de mise en scène
live de Mamoru Oshii à la fois mineures, mais pas
sans intérêts, le maître de la SF accepte
de réaliser la suite de Patlabor, nommée
tout simplement Patlabor 2. Le film dans la droite lignée
du premier long métrage de 1989. De l'action au
début, une interrogation sur les dangers de ce
que nous pensons maîtriser et qui nous échappe,
et de l'action pour clore le débat. Oshii excelle
et se rapproche de plus en plus de la définition
type de son cinéma, définition qui va éclore
deux années plus tard avec Ghost In The Shell,
pièce maîtresse d'un puzzle commencé
avec le très bon Patlabor. |
L'oeuvre de Masamune Shirow était
réputée inadaptable, mais c'était sans
compter sur les talents d'Oshii. Non content d'adapter ce manga
en long métrage d'animation, il va tout simplement en
faire une libre adaptation, plus proche de ses aspirations personnelles
sans trahir la trame du manga. GITS d'Oshii centre le débat
sur la possible vie d'un virus informatique.
Le Major Kusanagi est
une fille très jolie (on peut admirer ses formes
dans les premières minutes du long métrage),
chargée de mission à la section 9, une unité
impliquée dans les affaires d'espionnage les plus
sales. Le corps de Kusanagi est un corps cybernétique
qui la rend plus agile et décuple ses réflexes.
Elle enquête sur le projet 2501 qui s'avère
être un virus pirate qui est doté d'intelligence.
GITS met le doigt sur l'avenir de l'informatique et de
l'Intelligence Artificielle. Kusanagi va se poser des
questions métaphysiques sur sa propre existence
et va essayer de comprendre le virus. Le scénario
de ce film d'animation magistralement mis en scène
est d'une force sans précedent. Il vous faudra
voir le film plusieurs fois pour tout saisir tant la compléxité
est de mise. Mais cette compléxité n'est
en aucun cas rebutante et le plaisir procuré par
la vision de |

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cette oeuvre est renforcé par
des scènes d'action tout simplement hallucinantes.
La scène de poursuite dans le marché en
pleine ville est une prouesse visuelle étincelante
et insolente tout comme le final à l'ambiance unique
et terriblement puissante.
GITS va se faire pomper par tous les films de SF dits
cyberpunk, qui vont suivre, mais reste la référence
du genre. Le film ne serait pas si beau et poêtique
sans la formidable musique de Kenji Kawai qui signe ici
une de ses plus belles compositions. |
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En 1998,
OShii écrit le scénario de Jin Roh, qui
est selon lui, le meilleur scénario qu'il a jamais
écrit. Pour lui c'est un véritable chef
d'oeuvre. Mais Oshii avait déjà signé
avec Okiura pour la réalisation et n'a donc pas
pris part à la mise en scène. Il en résulte
un film magistral qui prouve une nouvelle fois l'étendue
du talent des créateurs japonais. Le film réalisé
par Okiura est une réussite et Oshii lui même
affirme qu'il n'aurait pas fait mieux. |
Place maintenant à Avalon,
le dernier film d'Oshii, sorti cette année en France,
en mars au cinéma, et le 9 novembre en DVD.
Avalon est un projet de longue date, on peut dire que Oshii
est né pour faire ce film, c'est la définition
aboutie de son oeuvre. On y parle de SF, d'univers parallèles,
de jeu vidéo, de chien (Oshii adore les chiens), mais
surtout d'humanité.
Ash est une fille au
physique charmeur qui gagne sa vie en jouant à
un jeu video ultra réaliste nommé Avalon
et qui la plonge dans un univers dans lequel on s'immerge
corps et âme. Mais Avalon est un jeu dangeureux
où on peut y laisser des plumes ou tout simplement
disparaître on ne sait où. Oshii joue avec
le spectateur comme jamais auparavant et s'amuse à
nous perdre dans les méandres du jeu. Le film qu'il
nous propose est tourné en Pologne avec des acteurs
polonais qui jouent tous très bien et font vivre
des personnages qui ne savent plus vraiment où
ils sont et pourquoi ils vivent.
Avalon ne serait pas un film aussi fort
s'il n'avait pas une esthétique hors du commun.
75% des images du film sont retouchées par ordinateur,
mais le film reste très humain, loin d'un final
fantasy qui manque de vie. Oshii est un véritable
peintre numérique, lors du tournage la luminosité |
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et l'éclairage
n'étaient pas importants pour lui, car il avait
en tête la retouche complète et numèrique
de ses rushs. Le résultat est impressionnant et
novateur. Oshii pense que le plus important dans un film
ce n'est pas l'histoire qu'on raconte, mais plutot la
création d'un univers. |
Le moins que l'on puisse dire
c'est qu'avec plus de 25 ans de carrière Oshii a réussi
son pari et Avalon est là pour le démontrer. Avalon
est un film de SF majeur, épique est troublant, allié
à une esthétique parfaite et originale, qui déroute,
fascine mais ne laisse pas indifférent. Le cinéma
d'Oshii est un cinéma fondé sur l'humanité
et ses dérives. Oshii est un grand réalisateur
qui est là et pour longtemps.
Par Nicolas Loubère