Asian Connection, l'émission sur les cultures asiatiques - Radio Campus 88.1 - Mardi 19h/20h


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Les Expatriés

 

Depuis maintenant dix bonnes années, le cinéma asiatique s’exporte et exporte ses talents. Ce cinéma fortement éclectique est très à la mode outre atlantique, chaque jour un remake est mis en chantier, chaque jour un film est pillé et copié par les rapaces d’Hollywood. Très peu de films asiatiques sortent dans leur montage original et dans leur édition intégrale. La faute à la politique Américaine centrée sur le commerce et l’argent au détriment de l’œuvre artistique. Nous allons dans ce dossier revenir sur le parcours des films asiatiques aux Etats Unis ainsi que celui des expatriés du Japon, de Chine et d’ Hong Kong.

Chasse à l'homme
Le symbole de cette expatriation c’est John Woo le réalisateur de « The Killer » et d’ « A Toute Epreuve ». Voulant quitter Hong Kong pour des raisons de vie et de moyens financiers, à la suite de désaccords multiples avec les producteurs, il décide de partir en 1992 à la conquête du marché Américain. Mais dans ce pays où l’argent est le principal moteur cinématographique, il faut faire ses preuves même si on a déjà réalisé quelques chef d’œuvres qui surpassent de loin les meilleures productions de l’Oncle Sam. C’est pourquoi trois
des plus grands réalisateurs qu’Hong Kong ait connu, à savoir John Woo, Tsui Hark et Ringo Lam ont du passer par la case Jean Claude Van Damme. C’est en 1993 que « Chasse à l’homme » sort sous la direction de John Woo qui livre un film bâtard et dénué de toute ampleur dramatique, la faute à la production, au montage et au scénario beaucoup trop simpliste. Bien sûr il y a quelques scènes qui valent le coup mais elles sont rares et le film est plombé par un manque d’enthousiasme de tout le staff du film. Le succès est mitigé et John Woo n’a pas eu l’occasion de prouver tout l’étendue de son talent artistique. Aux Etats Unis, c’est souvent le producteur qui dirige le film et non le réalisateur.

Les débuts de Tsui Hark sur le sol Américain ne sont pas non plus restés dans nos mémoires. « Double Team » interprété par Jean Claude Van Damme et Dennis Rodman sort presque en même temps que le « Volte Face » de John Woo dont nous reparlerons. Le film est un plantage monumental tant au niveau filmique que commercial. Tsui Hark, le Spielberg chinois n’a pas su, à l’instar de John Woo s’imposer dans les rouages hypocrites de la machine Hollywoodienne.
Double Team
Mickey Rourke en fin de carrière y est ridicule et le film s’oublie aussi vite qu’une chanson de Jennifer.

Risque Maximum
Ringo Lam est le 3ème réalisateur à s’essayer à la réalisation d’un film Américain en présence de l’acteur belge le plus connu à l’étranger et c'est aussi un fiasco mais dans de moindres proportions. « Risque Maximum » n’est pas un mauvais film, les cascades de Remi Julienne, les quelques scènes d’action du film et le jeu des acteurs sont acceptables et le film est une bonne petite série B qui ravira les amateurs du genre mais très loin du potentiel de Ringo Lam qui a su montrer un tout autre visage dans ses réalisation Hong Kongaises. « Risque Maximum » aussi interprété par le français Jean Hugues Anglade, partiellement tourné à Nice, au succès honnête pousse Van Damme à convaincre Ringo Lam de refaire un film avec lui. Quelques années plus tard, Ringo Lam se
laisse convaincre et signe « Replicant » un thriller nerveux, ultra violent et qui divise la critique.
Certains parlent d’une belle réussite, d’autres sont plus sceptiques, Van Damme n’a jamais été aussi convainquant et prend d‘énormes risques en interprétant un personnage n’hésitant pas à tuer femmes et enfants. Ringo Lam plus en forme ne retrouve pourtant pas le réalisme viscéral d’un « City on Fire » ou d’un « Full Allert » deux de ses meilleurs films.

Après les déboires qu’il a pu rencontrer sur le tournage de « Chasse à l’homme », John Woo accepte la direction de « Broken Arrow » avec dans les rôles titres : Christian Slater et John Travolta. Les relations entretenues par Woo et ses producteurs sont encore plus mauvaises que lors de « Chasse à l’Homme » et le film en pâtit fortement.
Le film accumule les explosions et les scènes d’action plutôt maîtrisées mais ne parvient pas à convertir les fans de John Woo qui voient en ce
Broken Arrow
film un nouveau ratage de l’expérience wooienne à Hollywood.
Le box office accueille ce nouveau long métrage avec enthousiasme et on devine déjà une potentielle amélioration des conditions de tournage des prochains essais à venir du maître de Hong Kong.

Volte Face
En 1998 John Woo réalise « Volte Face » et c’est un retour en grâce du réalisateur qui impose son style et ses thèmes. Le duo Nicolas Cage/John Travolta fonctionne à merveille et le film est une réussite formelle et narrative sans réels défauts. John Woo a su marier son paradigme avec les codes du blockbuster américain. Sans égaler un film comme « The Killer », il montre que son expatriation peut accoucher de chef d’œuvres cinématographiques et que le moule Américain n’est pas un frein à la créativité qui le caractérisait.
John Woo s’impose alors comme le meilleur « action film maker » du marché.

Les réalisateurs chinois s’exportent eux aussi et on peut citer Wayne Wang qui adopte très vite les codes américains en perdant une partie de son identification culturelle. « Le centre du Monde » réalisé en DV est un film réussi qui aurait aussi bien pu être réalisé par un américain ou un européen. Ou encore Ang Lee qui semblait aussi avoir vendu son âme au diable avec notamment « The Ice Storm » s’est depuis racheté en signant le magnifique « Tigre et Dragon » qui s’impose comme
Tigre et Dragon
le film asiatique le plus internationalisé de tous les temps.

Matrix
Le cinéma asiatique est constamment pillé par l’industrie hollywoodienne. Dans « Matrix » des frères Wachowsky, on retrouve énormément d’idées déjà développées dans des chef d’œuvres japonais tels « Ghost in The Shell » ou « Patlabor » ou encore Hong kongais comme « Black Mask » produit par Tsui Hark et c’est pas prêt de s’arranger avec les suites de « Matrix » prévues pour cette année dans les salles. Bien sûr les Frères Wachowsky se sont alloués les services du Chorégraphe de Hong Kong Yuen Woo Ping, ce qui les dédouane un peu.

Mais on a l’impression que le cinéma américain se sert du cinéma asiatique plus qu’il ne le sert. De ce fait la plupart des films à succès du Japon notamment deviennent des remake américains plus ou moins ratés qui desservent complètement les œuvres originales. Quand les films asiatiques ne sont pas adaptés en remake, ils sont remontés et censurés lamentablement. On se souvient tous de l’édition américaine de « Shaolin Soccer » qui ne proposait même pas les musiques d’origine. Hideo
Shaolin Soccer
Nakata, le réalisateur de « Ring » et de « Dark Water » devrait être une star comparable à Shyamalan, au lieu de ça il est quasiment inconnu du public américain.
Le pire c’est qu’on a l’impression que les asiatiques ne sont pas aussi critiques sur leur traitement que nous autres spectateurs. En effet pour la plupart d’entre eux, tourner aux Etats Unis représente un rêve et une ascension professionnelle importante, c’est un peu leur but ultime. Pourtant leur travail effectué dans leur pays d’origine est d’un niveau supérieur à celui exercé sur le sol américain. C’est aussi ça l’impérialisme des studios d’Hollywood. Il ne faut pas voir dans la pluie d’oscars tombée sur « Tigre et Dragon » un réel changement de mentalité mais plutôt un simple retour des choses.

Mission Impossible 2
La réussite de « Volte Face » et le renouveau de John Woo poussent l’acteur producteur Tom Cruise à demander à John Woo de mettre en scène le second volet des aventures de Ethan Hunt : Mission impossible 2. Si le résultat est plutôt bon, certaines scènes étant tout simplement jouissives, on a comme l’impression que John Woo revient en
arrière après l’étape « Volte Face ».
Mission impossible 2 est un film aux enjeux commerciaux tels que John Woo est obligé de fournir un travail en accord avec les vœux de la production. On reconnaît pourtant bien le style de John Woo mais c'est plus une parodie de ses thèmes fétiches qu’une évolution de son cinéma. C’est dommage car le film, scénaristiquement plat, ne renoue pas avec ce qui faisait la force de son cinéma avec l’absence d’une trame dramatique forte. Le constat est cruel : John Woo n’est pas encore débarrassé des poids qui le cantonnent à une réalisation impersonnelle dictée par des histoires de gros sous.

Parallèlement aux essais cinématographiques des réalisateurs expatriés, un grand nombre d’acteurs et d’actrices se laissent eux aussi tentés par l’expérience américaine. C’est le cas de Jackie Chan, Jet Li et Michelle Yeoh. Jackie Chan a très rapidement imposé son style au marché sous la direction de son complice Stanley Tong. Le producteur Terence Chang, derrière toutes les tentatives de John Woo, est aussi là pour les premiers pas de Jackie Chan à l’étranger en
Jackie Chan dans le Bronx
produisant « Contre Attaque » et « Jackie Chan dans le Bronx » mais l’acteur se contente juste de faire pareil que ce qu’il faisait à Hong Kong.
Suivirent les séries « Rush Hour » et « Shangai Kid » qui ne lui rendent pas hommage. Ces films le présentent un peu comme une bête curieuse vecteur d’une culture dépassée et presque primitive. On est très loin de la beauté d’un film comme « Drunken Master 2 » réalisé par Liu Chia Liang qui reste le meilleur film de l’acteur à ce jour. On comprend mal ce que recherche Jackie Chan à Hollywood car il fait exactement le même type de cinéma qu’en Asie. Il est juste bien mieux payé ! Jet Li suit exactement la même destinée que Chan et Chow Yun Fat a vraiment du mal à percer même avec le succès de « Tigre et Dragon ».

Yuen Wo Ping
Alors, sur le papier, les Etats Unis semblent très ouverts aux cinéma asiatique mais ce n’est qu’un leurre, ils sont plus intéressés par le fric que ça peut leur rapporter. Le succès rencontré par les chorégraphies de Yuen Woo Ping dans « Matrix » ont relancé l’attrait du public Américain pour les arts martiaux, c’est pourquoi les producteurs s’entourent de plus en plus d’artistes martiaux asiatiques. C’est peut être ces techniciens qui arrivent le mieux à imposer leurs styles, en tout cas mieux que les réalisateurs qui sont englués dans la narration imposée par la production.
Yuen Woo Ping, Corey Yuen, Ching Siu Tung, Sammo Hung et Donnie Yen ont donc tout à gagner sur le territoire américain car ils jouissent d’une bonne marge de manœuvre et d’un progrès technique toujours en essor. Même si on peut préférer les chorégraphies de
Yuen Woo Ping sur le film « Fist of Legend » à celles exécutées sur « Matrix », on peut affirmer que jamais le chorégraphe n’aurait pu les mettre en scène à Hong Kong.

Tsui Hark, toujours à la recherche d’une reconnaissance américaine de son travail tente une nouvelle fois sa chance avec Van Damme en dirigant « Piège à Hong Kong » Le réalisateur comme l’acteur principal du film s’auto-parodient et le film qui est une bonne comédie d’action scelle la fin de l’aventure Tsui Hark aux Etats-Unis. De retour à Hong Kong, le metteur en scène signe « Time and Tide » une réussite magistrale, un chef d’œuvre qui prouve que le maître est plus à l’aise dans ses chaussons locaux.
Piège à Hong Kong
Jamais Tsui Hark n’a pu faire ce qu’il voulait outre Atlantique, même pas lui qui est pourtant le producteur le plus féroce et exigent du cinéma Hong Kongais.

Windtalkers
Dans ce constat qui est plutôt un constat d’échec pour le cinéma asiatique qui ne parvient pas à s’imposer avec ses propres armes sur le marché Hollywoodien, il ne reste plus que l’irréductible John Woo qui devient le metteur en scène du film de guerre « Windtalkers » sorti sur nos écrans en 2002 et qui a débarqué en DVD au mois de Mars 2003
Beaucoup de personnes se sont insurgées en voyant le dernier film de John Woo. Les critiques ont insisté sur le fait que c’était un film à la gloire des soldats américains et qu’il ferait un bon film de
propagande pour le président Bush. Les critiques disent aussi que « Windtalkers » marque la fin du réalisateur Woo qui perd tout le style qui le caractérisait. Il faut bien dire ce qu’il en est, elles n’ont rien compris au film. « Windtalkers » est un grand film de guerre à la fois spectaculaire et contre la guerre. Je mets au défit quiconque qui voudra s’engager dans l’armée après avoir vu ce film. John Woo ne se caricature plus comme il avait pu le faire sur « Broken Arrow » ou « Mission Impossible 2 ». Fini les colombes ou les pigeons qui s’envolent au ralentit en pleine fusillades, fini les innombrables effets de style qui étaient devenus sa signature. Pourtant c’est bien un film de John Woo, un film que seul John Woo pouvait réaliser tant son cinéma est présent à l’écran. Le cinéaste a su faire évoluer son style pour l’adapter au marché américain sans pour autant se fondre dans le moule. On retrouve toute la puissance dramatique qui était présente dans ses films de Hong Kong et la mise en scène est un exercice de style à elle toute seule prouve que Woo n’a rien perdu de sa superbe. Oui, John Woo est sur la bonne voie.

Les acteurs asiatiques engagés sur le marché du film américain sont prisonniers d’un système qui ne leur rend pas hommage. La réussite d’un Jet Li par exemple serait qu’il puisse jouer des rôles qu’il n’avait pas pu jouer en Asie. C’est loin d’être le cas, car il se complaît à se produire dans des série B pas convaincantes. On pensera notamment à « The One » ou « Romeo Must Die ». Son retour en Asie, au générique du dernier Zhang Ymou « Hero » est un nouvel argument qui étoffe encore un peu plus cette thèse.
jet Li
Jet Li, Jackie Chan et Chow Yun Fat ne sont pas maîtres de leur carrière sur le sol américain car ils n’y sont pas libres. Ne pensons pas que le cinéma européen traite mieux les acteurs asiatiques car les productions made in Besson fonctionnent comme Hollywood et ne permettent pas aux artistes de développer leur jeu et de repousser leurs limites. C’est le cas de Jet Li dans le pas trop mal réussi « Le Baiser du Dragon » et de Shu Qi dans le bourrin « Transporteur ». Mais Luc Besson peut se défendre en disant que le cinéma asiatique n’a cessé de plagier Leon et Nikita ce qui est vrai.

Christophe Gans
Les thèmes de prédilection du cinéma Japonais et surtout Hong Kongais se retrouvent aussi dans les films de Christophe Gans mais c’est pas tout à fait un pillage.
En effet, Christophe Gans est avant tout un spectateur qui veut faire de son cinéma un cinéma de genre. A la manière d’un John Carpenter ou d’un Quentin Tarentino, il va s’efforcer de marier les styles cinématographiques entre eux pour pouvoir en faire un melting pot culturel pas dénué de tout intérêt. « Crying Freeman » et « Le Pacte des Loups » sont donc un condensé de ce qui se fait de mieux dans les cinémas adulés par Gans sans pour autant égaler la plupart des modèles utilisés. Le « Kill Bill » de Tarentino sorti récemment surfe sur le même principe.

Le cinéma asiatique est donc en mal de reconnaissance sur la scène internationale, et ce n'est pas avec les adaptations live de « Dragon Ball Z » et « Evangelion», ni le remake de « Dark water » qu’il va atteindre cet objectif.
Le futur projet de Stephen Chow semble être mieux parti. Ce grand projet de film martial s’est vu attribué une aide de 20 millions de Dollars par Hollywood mais restera un film asiatique maîtrisé de part en part par le génial Stephen Chow. Le film devrait donc échapper au sort réservé à son « Shaolin Soccer », enfin on l'espère.

Hollywood veut tout diriger mais le cinéma asiatique n’a pas dit son dernier mot, on pense d’emblée à Miyazaki qui s’exporte super bien et à John Woo qui ne cesse de vouloir évoluer dans le bon sens. Le cinéma indépendant, dit d’auteur n’a lui aucun problème à s’imposer et les Kitano, Imamura ou autres Takeshi Miike ont encore de beaux jours devant eux. Wait and see.

Par Nicolas Loubère

 

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