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Après
s’être réapproprié le scénario
de « City on Fire », film HongKongais de Ringo
Lam à l’occasion de « Reservoir Dogs
» puis s’être attaqué au polar
avec virtuosité lors du palmé « Pulp
Fiction », on pensait que Quentin Tarentino s’était
assagi à la vision de son très bon «
Jackie Brown », hommage à la Blacksploitation.
C’est faux. « Kill Bill Volume 1 » est
un concentré de fureur, de sang et de combats de
sabres gores mâtinés d’une dose de
comique de situation. « Kill Bill » ou l’histoire
de la vengeance d’une blonde laissée pour
morte par un gang dont elle faisait partie ; gang dirigé
par Bill, un être dépourvu de sentiment de
culpabilité. Dans « Kill Bill 1 »,
on ne voit presque pas Bill, en tout cas jamais son visage,
on entend juste sa voix. C’est juste, pour l’instant
un nom. Un nom placé tout en bas d’une liste
de personnes à tuer. La dernière étape
: ce sera Bill. |
Le
film est conçu comme un puzzle ; flash-back, scènes
croisées, le monteur de talent qu’est Tarantino
est bien de retour. « Kill Bill 1 » est un
vibrant hommage au film de sabre japonais : le chambara.
D’ailleurs, plus de la moitié de film se
passe au Japon et plus d’un acteur sur deux parle
japonais. A commencer par Uma Thurman, parfaite dans le
rôle de la femme blessée qui se venge sans
états d’âme ou presque. Son personnage
interprété avec brio tient le film sur ses
épaules ; |
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dotée d’un charme fou, elle n’a aucun
mal à convaincre le spectateur prêt à
la suivre dans les méandres du mal. L’opposition
entre le bien et le mal n’existe pas dans «
Kill Bill », le mal a décidé de faire
cavalier seul. |
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On
n'en apprend pas beaucoup sur l’histoire, seules
quelques bribes, quelques mots ou quelques pistes. En
fait Tarantino a choisi de mettre l’accent sur les
personnages plutôt que sur l’histoire en tant
que telle. Les portraits sont multiples et le monologue
de l’héroïne sert de lien. « Kill
Bill Volume 1 » est construit comme un jeu vidéo,
comme un beat them all, comprenez « battez-les tous
» avec des sous fifres, des demi boss et un boss
final à abattre. Lucy Liu femme meurtrie, à
la tête d’une puissante organisation ayant
la main mise sur Tokyo est un des demi boss à atteindre.
Une grosse partie du film lui est dédiée.
Son personnage est entouré par une cohorte de combattants
présentés d’une excellente manière
avec texte et surnom en plein milieu de l’écran
de ciné à l’appui. Une présentation
qui leur confère un charisme immédiat. Il
y a la Française, ancienne égérie
de Bill, l’étudiante tarée parachutée
du « Battle Royale » de feu Fukasaku et une
flopée d’autres personnalités. |
Des
habituels dialogues tarantinesques aux bastons gores dans
lesquelles les corps sont démembrés avec
une joie communicative, il n’y a qu’un pas.
Tarantino réussit un amalgame osé sans trahir
ou parodier les modèles qu’il s’est
choisis. Modèles à foison : du Kurosawa,
du Fukasaku, du Bruce Lee, du « Baby Cart »,
du « Lady Snowblood », du wu xia pan, du Sergio
Leone, du manga d’animation… Tarantino se
positionne en véritable chef d’orchestre
et fait preuve d’une faculté innée
à assembler tout ça en 2H de film. La réussite
de ce challenge réside dans le fait que «
Kill Bill » ne rentre à aucun moment en concurrence
avec tous ses illustres modèles. Le spectateur
est à 100% immergé dans un film de Tarantino.
On se sent bien dans « Kill Bill », tellement
bien qu’on traîne la patte lorsque la salle
de cinéma s’éclaircit, diable pourquoi
le film est-il coupé en deux ? Pourquoi, aussi,
la grande scène de sabre du long-métrage
décide d’un coup de se la jouer en noir et
blanc ? Si certaines idées, comme l’instauration
d’une séquence conçue en |
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dessin
animé japonais relatant la jeunesse du personnage
de Lucy Liu est concevable de part son audace, certains
choix sont plus contestables. |
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OUI,
« Kill Bill Volume 1 » est réussi,
OUI il faut aller le voir, OUI les musiques souvent décalées
(comme toujours chez Tarentino) concourent à créer
une alchimie parfois jouissive, OUI les combats sont bien
foutus avec une abondance généreuse d’hémoglobine.
Mais NON, « Kill Bill » n’est pas, ou
pas encore (volume 2 oblige) la grosse baffe dans la gueule
comme l’affirment certains médias. Il ne
remet pas en cause la viabilité des films dont
il s’inspire. |
On
est juste en présence d’un réalisateur
qui fait ce qu'il veut, qui trace sa route dans un cinéma
qu’il s’est créé. Il n’est
pas non plus un copieur comme on pouvait le craindre après
la bande annonce. Le 4ème film de Tarantino mérite
un peu de votre temps, parce qu’il le vaut bien. |
Par Nicolas Loubère
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