Yukito Koshiro naquit
le 20 Mars 1967 à Tokyo. Il grandit à Chiba et
s’intéresse au dessin étant tout jeune.
Déjà, il imagine des histoires très violentes.
En 1984, alors qu’il est encore au lycée, il est
le premier lauréat d’un concours organisé
par la revue Shonen Sunday avec une sombre histoire spatiale
baignant dans le trafic de drogue. Yukito Kishiro effectue des
études d’arts. 1988 est un tournant dans sa vie
de dessinateur car des histoires à lui sont publiées
dans des revues japonaises. Hito est publié chez Shueisha,
c’est en fait un recueil de ses œuvres de jeunesse.
Une autre nouvelle est aussi
publiée : Kaiyosei où l’auteur explore le
thème de la Science-fiction à travers un autre
thème : la peur de l’inconnu. Tous les éléments
qui jalonnent les premières œuvres de Kishiro se
retrouveront plus tard dans Gunnm, qui sera la pièce
maîtresse de sa création. C’est le cas dans
Dai Machine où le dessinateur place une machine en héroïne.
Suivront pas mal d’œuvres comme Mirai Tokyo Headman
, Uchu Kaizoku Shonen Dan. En 1991, Kishiro reprend une histoire
écrite plus tôt, en deux parties : Rainmaker qui
va évoluer en Gunnm. La série est d’abord
publiée chez Ultra Jump et comptera 9 volumes. Parlons
donc de Gunnm, titre phare du manga de science-fiction nippon.
Gunnm ou les aventures de Gally,
une cyborg qui se bat pour se retrouver elle même, l’histoire
pourrait commencer par : « Dans un monde de brutes, il
était une fois une jeune héroïne qui se cherchait
à travers le combat ». En effet le monde de Gally
n’est pas un idéal, c’est au contraire l’anarchie
la plus totale et le chaos quotidien. La violence est le seul
moyen de se défendre, les plus forts règnent donc
en maîtres et n’hésitent pas à écraser
sauvagement les plus faibles. Il paraît donc bien difficile
de vivre dans un tel milieu. C’est pourtant dans ce monde
hostile que la petite Gally, une fille cyborg inanimée,
retrouvée au milieu d’une décharge va peu
à peu essayer de trouver sa place.
Malgré les attentes et
les rêves de son protecteur Ido, elle trouvera sa voie
à travers le combat. Dans l’esprit de Gally, dort
en effet un guerrier très puissant. Ce guerrier se réveille
peu à peu à travers des bribes de souvenirs de
son ancienne vie, à travers, aussi des gestes automatiques
et d’une volonté intransigeante. Gally se révèle
très tôt comme une adversaire redoutable et commence
une carrière de chasseur de prime. Mais ses ambitions
seront cependant désillusionnées par l’apparition
de Yugo qui lui fait connaître les premiers sentiments
amoureux. Yukito Kishiro, à ce moment précis,
aborde un thème très intéressant : Est-ce
qu‘une fille ayant un cerveau humain et un corps non conçu
pour l’amour est capable d’aimer et d’être
aimée ?
Ainsi, à travers sa quête
qui s’avère être une sorte d’aventure
intérieure , Gally va rencontrer une foule de monstres
en tout genre. Mais chez Kishiro, la monstruosité des
méchants contraste avec leur souffrance, ils trouvent
en Gally une possibilité de montrer au monde qu’ils
existent. Leur façon de s’exprimer se fait dans
la destruction, c’est le cas de Zapan, autre personnage
énigmatique qui éprouve de la haine envers l’invincible
Gally. Makaku, le premier véritable monstre que rencontre
Gally est aussi un être pathétique rongé
par la souffrance découlant d’une enfance passée
dans les égouts. Gally est la personne qui va le libérer
de sa haine par un combat définitif.
Mais que serait Gunnm sans la
présence d’un sport ultra violent : le Motorball,
une sorte de Rollerball sous acide dans lequel Gally, après
une terrible déception sentimentale va se réfugier
? Le Motorball, c’est un jeu où seule compte la
victoire au prix de la vie des adversaires. Dans ce milieu où
elle est traitée comme une étrangère, Gally
impose cependant sa force et son talent, devenant adversaire
attitrée du champion Jashugan. La rencontre de ce personnage
est donc très importante, à travers lui Gally
découvre davantage l’étendue de son pouvoir
et l’importance de la maîtrise du Chi. Le corps
de Jashugan taillé sur mesure pour le Motorball est l’œuvre
d’un certain Nova un scientifique phare de l’œuvre
de Kishiro et citoyen de Zalem, la cité inaccessible.
Dans Gunnm deux mondes sont
en opposition, la décharge où règne la
violence et le chaos et un monde supérieur, une cité
dans les nuages qui surplombe la décharge : Zalem. Gally,
au cours de sa quête initiatique sera emmenée jusqu’à
Zalem pour un combat décisif contre Nova. Pour le lecteur
qui n’aime pas les mangas, celui ci apparaîtra comme
une série de violences gratuites et horribles mais l’univers
de Gunnm, ce n’est pas seulement ça. C’est
avant tout l’histoire d’une personne qui se cherche,
d’une quête d’identité. Ce dépassement
de soi, la volonté, la maîtrise de soi et enfin
l’apprentissage de la vie sont autant de thèmes
abordés. Ainsi, ce que l’on trouve dans l’histoire
de Gally, ce sont aussi des sentiments, des remises en question,
des drames et des moments de joie.
La vie n’est pas tendre
avec Gally, elle doit toujours faire face à l’hostilité
des autres, aux drames et à la violence. Elle doit toujours
se battre pour être elle même. N’est-ce pas
finalement la vie de tout le monde ? C’est essentiellement
grâce à son courage et sa ténacité
que Gally finit toujours par gagner. Elle se révèle
aussi comme un personnage humain et juste. A travers ses combats
contre le monde entier, elle apprend à se connaître,
à aimer, à vivre. En finalité, ce n’est
que la mort qui semble attendre cette héroïne. Elle
semble être faite pour sauver ce monde en décadence.
Son corps parfait et sa maîtrise de l’art du combat
font d’elle une sorte de dieu. Pour sauver ce monde pourri
et corrompu, Gally doit se sacrifier, chose qu’elle fait
sans la moindre hésitation.
Ce monde de chaos ne semble
même plus voué à vivre, pourtant Gally décide
de le sauver de la destruction. Gally ne croit qu’en elle
même, c’est ce qui fait sa force. C’est donc
une héroïne au sens large, toujours prête
à se battre, toujours prête à mourir pour
des choses qui lui paraissent justes. Elle fait de la vie et
de la justice une cause. Gunnm c’est véritable
leçon d’humanité et de volonté. Apprendre
à être maître de soi, apprendre à
aller jusqu’au bout de ses idéaux, jusqu’au
bout de soi pour finir par mourir et renaître par l’amour.
Il n’y a plus rien à vivre quand on est allé
jusqu’au bout de soi, à part peut-être l’amour,
ce que Gally n’a pas vraiment connu.
Dans Gunnm Last Order, on retrouve
une Gally qui a atteint une très grande maturité,
une sagesse et un détachement par rapport aux choses.
Elle est beaucoup plus sereine et le combat
ne semble plus être sa seule raison de vivre. Lorsque
Kishiro publie Gunnm en 1991, jamais un manga n’avait
présenté un dessin aussi fin et détaillé.
Kishiro est un as de tout se qui touche à la cybernétique
et au clonage humain. Il prend un réel plaisir à
dessiner des mécanismes très complexes ainsi que
les cerveaux humains. C’est aussi un dessinateur passionné
par l’univers des Kaiju. En lisant Gunnm, le lecteur est
amené à découvrir toute une quirielle de
monstres présentant une identité qui leur est
propre. Aussi, Kishiro traite les expressions des visages, surtout
celui de Gally avec une indéniable maîtrise formelle,
il ne sombre jamais dans la caricature pour retranscrire les
émotions des personnages.
Dans Last
Order, le trait de Kishiro a changé et cela peut rebuter
les fans de la première heure. En effet, Gally est plus
grande, plus costaud et moins sexy et son visage n’est
plus le même. C’est aussi le cas pour les personnages
qui étaient déjà présents dans la
série précédente comme le professeur Nova.
Ce parti pris de l’auteur sera sûrement justifié
au cours de la toute nouvelle parution de ces nouvelles aventures
chez Glénat. Nous tenons à remercier Vincent et
Elizabeth pour leur aide au sujet de l’œuvre de Yukito
Kishiro, Gunnm, qui restera une référence de la
science fiction japonaise.
Par Vincent et Elizabeth