Les origines de Cowboy
Beebop sont à chercher du côté du Japon,
ça c’est évident, mais surtout du côté
de Brain Powerd, série sur des méchas. En 1998,
succès de Gundam et d’Evangelion oblige, Bandai
Visual demande à Sunrise la réalisation de Brain
Powerd et également d’une seconde série,
Cowboy Bebop. Les attentes étant plutôt tournées
du côté des robots géants, le petit staff
de CB se retrouve avec une liberté créatrice très
appréciée. Si les noms de l’équipe
technique sont moins prestigieux que pour Brain Powerd, on retrouve
quelques habitués de la Sunrise comme Yadate Hajime pour
l’histoire originale, Yoko Kanno à la musique,
Watanabe Sin’ichiro (Macross Plus) à la réalisation,
Kawamoto Toshihiro (Escaflowne) au character design, et bien
d’autres…
Le contrat passé avec WOWOW, une chaîne payante
du satellite, est revu à la baisse : seul Brain Powerd
sera diffusé. Heureusement que TV Tokyo vient à
la rescousse et achète 12 épisodes sur les 26
prévus. La diffusion commence en avril 1998. Et comme
on ne peut pas toujours tout prévoir, Brain Powerd ne
rencontre pas le succès espéré alors que
CB rallie de nouveaux fans à chaque diffusion. WOWOW
décide alors de diffuser l’intégralité
des épisodes dès octobre 1998.
Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, en septembre
1999, Sunrise annonce la mise en chantier d’un long métrage.
Retardé par le film d’Escaflowne, la production
débute en mai 2000 et le film sort au Japon le 1 septembre
2001. Que dire sinon qu’en France, il est sorti depuis
le 1er octobre 2003, soit plus de deux ans après le Japon…
Nous ne nous livrerons pas à
un résumé de l’intrigue de la série
car nous risquerions d’en gâcher les principaux
rebondissements. Sachez tout de même que l’histoire
se passe dans le futur, plus précisément en 2071
sur Mars, les hommes y vivent en véritables pionniers.
Certains d’entre eux ont décidé de vivre
libres, en communauté, dans un vaisseau spatial : le
Bebop. Les membres du Bebop sont 5, trois sont des chasseurs
de primes à la petite semaine, une enfant et reine de
l’informatique et, enfin on y croise un chien savant.
Tous ont un passé trouble qui s’éclaircira
au fur et à mesure de l’avancement de la série
qui compte 26 épisodes.
Commençons par présenter
rapidement, de manière non exhaustive les quelques personnages
de cet animé qui vaut, on va voir pourquoi, grandement
le détour.
Spike Spiegle a adopté un style désinvolte depuis
son retrait du monde de la mafia. Il aime le combat à
main nue dans lequel il excelle, il aime aussi : piloter le
Swordfish, chasseur ultra rapide du Bebop, manger de la viande
mais c’est devenu une utopie, dormir et parler de tout
et de rien avec son ami Jet Black. Spike est l’anti-héro
à l’état pur, il se fout bien de ce qui
peut arriver et il ne croît qu’en lui. A la différence
d’un Han Solo, l’argent n’est pas sa principale
motivation. Il parcourt l’espace et les villes nonchalamment,
les mains dans les poches, son passé dans la tête
et son désir de baston toujours réel. Watanabe
a réussi le personnage le plus charismatique de la décennie.
Autre chasseur de prime, autre
histoire, autre mentalité : j’ai nommé :
Jet Black. Sous ses allures de gros bras cybernétique
de service, Jet Black est un homme très bon, à
l’écoute des autres, toujours prêt à
agir dans le bon sens, c’est un ami parfait pour les autres
membres du Bebop. Cet ancien flic intersidéral est aussi
un parfait homme d’intérieur pour le Bebop. Il
s’occupe de tout, du ménage, de la cuisine, même
si Spike trouve souvent à redire, il fait même
couturier quand il le faut. Son passé est à découvrir
en visionnant la série, il est jalonné de surprises.
Ajoutons que c’est lui qui, après avoir rencontré
Spike a décidé de retaper le Bebop.
A l’inverse de ce bon vieux Jet, Faye Valentine, troisième
chasseur de prime de l’équipage ne pense qu’à
elle et suit constamment le chemin qu’elle s’est
tracé, chemin dont elle ignore les sources. En effet
Faye n’a pas de racines, elle n’a aucun souvenir
de son enfance. Elle est membre du Bebop sans grande convictions.
Ajoutons à ce profil d’ange déchu un physique
de rêve, renforcé par ses tenues vestimentaires
volontairement sexy même si elles ne sont pas assez variées.
Faye Valentine est un peu la fille type des fantasmes masculins
: corps sublime et charme omniprésent.
Ed de son vrai nom : Edward
Wong Hau Pepelu Tivrusky 4th est une terrienne de 13 ans , débordant
d’énergie et qui n’a pas son pareil quand
il s’agit de pirater les systèmes informatiques.
Ed est aussi d’une intelligence rare, elle ne pense qu’à
manger et à se contorsionner dans tous les sens. Ses
facultés mentales trouvent une résonance avec
celles de Ein, le cinquième membre du Bebop. Ein n’est
pas un humain, ce n’est pas non plus un alien, c’est
juste un chien surdoué. Ein a lui aussi un passé
trouble puisqu’il semble être le fruit d’expériences
de laboratoires. Quoi qu’il en soit Ed et Ein forme le
duo parfait.
La série Cowboy Bebop
est assurément un chef d’œuvre de l’animation
japonaise comme il en existe de moins en moins. Le contexte
fin de siècle de sa sortie (1998) lui confère
un cachet supplémentaire. L’homme qui a toujours
considéré les années 2000 comme le siècle
de toutes les révolutions technologiques peut trouver
en Cowboy Bebop bons nombres d’attentes devenues contractuelles.
Les vaisseaux spatiaux de nos livres d’enfant sont présent
dans le quotidien de l’équipage du Bebop tout comme
Mars la plus fascinante des planètes.
Le spectateur peut aussi remarquer
l’importance des villes futuristes, des combats spatiaux
spectaculaires sans oublier pour autant les spécificités
de l’être humain, ainsi la science fiction de Cowboy
Bebop n’est en fait qu’un parti pris scénaristique.
En ce sens vous pouvez prendre tous les éléments
clefs du manga et les transposer dans une autre époque.
Tous les lieux fréquentés par les personnages
trouvent leurs origines dans le vaste passé de l’humanité.
L’univers de Cowboy Bebop est plus dense, plus étiré
que le notre mais le spectateur ne se sentira jamais perdu,
jamais abandonné, comme s’il était lui même
un habitant de cette nouvelle donne géographique.
Les enfants du Bebop ont choisi
le mode de vie du Far-West qui a trouvé en Mars l’occasion
de renaître de ses cendres. Spike et les autres sont des
chasseurs de primes qui à l’instar des héros
du Western spaghetti tel l’homme au poncho incarné
par Clint Eastwood, ont trouvé dans les déviances
de certains la façon de gagner leurs vies. Cowboy Bebop
n’emprunte pas que les codes et le visuel du Western,
il en conserve aussi la mise en scène. En fait cette
série d’animation est très cinématographique,
un cinéma de genre qui fait tout son charme.
De la même manière
que l’on y croise tous les univers, toutes les époques,
on y croise aussi tous les genres ou presque du septième
art. Les influences de Watanabe sont multiples. C’est
cette pluralité qui fait de Cowboy Bebop une expérience
à part dans le monde de l’animation. Dans cette
escarcelle de cinéma pur, on trouve une touche d’action
à la Hong Kong des meilleures années, celles des
grands polars de John Woo et ses gunfights légendaires,
une large dose de Western, une pincée de Star Wars, une
grosse louche d’humour mais aussi un immense clin d’œil
à l’Amérique du début du 20ème
siècle et ses casinos surpeuplés. Le cinéma
Japonais n’est pas en reste, on croise l’univers
sombre et glauque de la mafia saupoudré de tous les codes
samurais. En réalité, Cowboy Bebop est un melting
pot réussi de plusieurs genres cinématographiques
de tous les horizon, ce qui en fait une œuvre profondément
internationale.
La réelle réussite
de cette production Sunrise est avant tout son ambiance et ses
personnages. Ces deux entités font corps dans un déluge
d’intelligence scénaristique et d’originalité.
Cette ambiance qui émane de la série est renforcée
par la musique qui apparaît ici comme indispensable. Comme
pour les lieux de l’action, comme pour la mise en scène,
la bande originale est un mélange. Un mélange
de plusieurs musiques, de plusieurs sonorités qui confère
au dessin animé une force supplémentaire. Vous
pouvez tout entendre dans Cowboy Bebop, du jazz, de l’electro,
du heavy ou même du Hard Rock. Le travail de la célèbre
Yôko Kanno et son équipe sur cette série
est prodigieux. Je le répète une nouvelle fois
mais c’est important : ce qui fait la force de Cowboy
Bebop c’est sa mixité. Ajoutons à tout ça
une réalisation technique de haut vol et une histoire
vraiment prenante. Le travail sur le design des personnages
est remarquable.
Yoshihiro Kawamoto signe un
superbe character design, difficile de pas craquer pour tel
ou tel personnage. La finesse du trait que l’on retrouve
aussi dans les décors très fouillés est
sidérante pour une série. Disons tout simplement
que les qualités artistiques de ces 26 épisodes
égalent bon nombre d’ OAV et même de film
pour cinéma. La beauté visuelle de l’ensemble
alliée à la mise en scène éclairée
de Watanabe donne lieu à des épisodes cultes qui
resteront ancrés dans les mémoires des spectateurs.
Celui intitulé : Mushroom Samba est l’un d’entre
eux. Dans Cowboy Bebop, on a vraiment le sentiment que les personnages
sont dirigés comme de vrais acteurs. Il suffit de voir
quelques épisodes pour saisir toute l’humanité
de tel ou tel héros. Leur dimension psychologique est
fortement poussée à l’instar des meilleurs
films de Mamoru Oshii. Ils sont à la fois simples et
complexes.
Cette complexité est
sans doute le résultat des nombreux paradoxes qui composent
leurs personnalités. Chacun est rongé par un passé
soit douloureux, soit inconnu, par une existence qui soulève
beaucoup de questions. On ne sait pas bien ce qui les raccroche
à la vie. Les membres du Bebop sont à percevoir
un peu comme des électrons libres d’un monde vaste
et dangereux. Ils surfent sur la vie comme sur une vague infinie
mais chaotique. Un petit exemple de paradoxe : Spike apparaît
comme calme, souvent endormi, pas très vif. Sa démarche
nonchalante cache en fait une boule de nerf, un bagarreur de
tous les instants. Cette dualité est la résultante
d’une gestion difficile entre le passé, le présent
et l’avenir(moins important). Si Cowboy Bebop a eu autant
de réussite populaire de par le monde c’est surtout
grâce à la proximité privilégiée
qui existe entre les personnages et les spectateurs. En fait
Spike, Faye, Jet et les autres sont un peu perdus, déchus,
ils sont tout simplement comme la jeunesse actuelle.
Vous l’avez sûrement compris, Cowboy Bebop n’est
pas à manquer, c’est même indispensable.
La série dure 26 épisodes. Watanabe a décidé
de nous convier à 2 heures supplémentaires en
compagnie de l’équipage du Bebop. C’est l’occasion
de retrouver nos héros au cinéma pour une nouvelle
aventure. Le réalisateur a choisi de ne pas représenter
les personnages et considère que le public les connaît.
On évite alors tous les clichés d’exposition
qui plombent bon nombre de films américains. Les néophytes
ne seront pas perdus, qu’ils se rassurent. Le film Bebop
est sous-titré : Knocking on Heaven’s door. Le
moins qu’on puisse dire c’est que le titre est en
adéquation avec le propos entretenu par le long métrage.
Les membres du Bebop sont lancés à la poursuite
d’un ex militaire qui a servi de cobaye humain à
des expériences menées jadis sur Titan. Depuis,
il vit comme dans un rêve sans trop savoir où il
en est.
Vincent, c’est son nom
est un personnage typique de l’univers de Cowboy Bebop.
Il est perdu, il ne sait plus quoi faire. Il choisit de ce fait
un mode de communication extrême, le terrorisme biologique
et ses virus indécelables pour pouvoir adapter le monde
à sa dérive constante. Ce nouveau méchant
qui fait son entrée dans l’univers de l’œuvre
de Watanabe est intéressant car il est très proche
des chasseurs de prime du Bebop. En fait Vincent pourrait être
le côté obscur de Spike.
Nouveau méchant, nouvelle
fille aussi, en la personne d’Electra. C’est une
militaire super mignonne qui mène un double jeu. Tout
comme Vincent, elle a fait un séjour sur Titan…
Mieux vaut s’arrêter là, sinon on va trop
en dire…
Dernier personnage clef : Rachid, un musulman du quartier arabe
de Mars qui va guider Spike pendant ses investigations.
Cowboy Bebop le film, reprend
toutes les recettes qui on fait le succès de la série
afin de les faire perdurer tout au long du récit. On
retrouve les panaché des peuples, des lieux, de la musique,
des situations. On retrouve tout l’univers graphiques,
la mise en scène.
On retrouve aussi avec plaisir les personnages qui sont exactement
les mêmes que ce soit dans leurs raisonnements ou leurs
faits et gestes. On se frotte les mains parce que rien n’a
changé, c’est toujours aussi planant et tripant.
On se laisse vite prendre la main puis le bras.
Mais voilà il y’ a un petit hic, un rien du tout
qui m’empêche d’être à 100% satisfait.
C’est difficile à définir. Techniquement,
c’est pas mieux que la série qui avait atteint
un niveau déjà très élevé.
On a juste droit à quelques effets 3d très bien
intégrés. Il manque peu être un peu de folie
dans ce long métrage, quelques scènes jubilatoires.
Même le combat entre Spike et son bolide ailé et
les véhicules de l’armée paraît un
peu fade, tout comme le contexte déjà vu chez
Tim Burton à savoir Halloween ou encore un final assez
proche de Batman. Il manque quelques vraies fusillades (si l’on
excepte la superbe scène du tramway aérien). En
revanche on est heureux de retrouver quelques éléments
phares de la série comme par exemple le programme télé
pour chasseurs de primes : « Big Shot ». Les personnages
se lancent en Freelance pour enfin se regrouper, comme dans
la série…
Dernière petite remarque,
le film traitant de terrorisme biologique, faisant écho
avec la situation de crise internationale de nos société,
revêt un rôle et un propos peut être un peu
lourd pour une série qui n’était pas encore
allée aussi loin dans l’étude de la société.
Et si c’était tout simplement une preuve de la
faculté d’adaptation des héros du Bebop
face à n’importe quelle situation ? La réponse
est sûrement cachée dans ce film qui est de toute
façon une réussite à ne louper sous aucun
prétexte, on vous en voudrait si c’était
le cas.
Par Emilie et Nicolas