de deux ouvrages proposés par les éditions
IMHO. Ce sont deux mangas de Hideshi Hino, auteur hanté
par la bombe nucléaire.
Dans Panorama de l’enfer, l’auteur nous
dresse le portrait d’une famille, je l’espère,
peu commune. Le narrateur de cette histoire est un artiste
peintre qui utilise son propre sang comme matière
première pour ses tableaux et dont le plus grand
projet est de peindre l’ultime panorama de l’enfer.
Quand on voit son environnement et sa famille, on comprend
pourquoi il est si torturé. Ses peintures ont
des noms qui reflètent son malaise et son penchant
pour l’horreur, comme par exemple La Guillotine,
La Rivière de l’enfer, Le Crématorium
des Décapités ou Le Cimetière des
Condamnés à mort. Chaque tableau est inspiré
par le vécu du peintre qui assiste depuis sa
fenêtre à l’insupportable spectacle
de la guillotine. Viennent ensuite les présentations
de sa famille, ses enfants dégénérés
qui passent leur temps à voler des yeux de cochons
à l’abattoir ou à peindre des cadavres
de chatons remplis de vers. Sa femme, d’une apparence
glaciale, tient une auberge où les cadavres des
condamnés à morts viennent festoyer tous
les soirs. Puis le peintre nous raconte l’histoire
de son grand père, de ses parents et de son frère.
Et là, on comprend d’où vient la
folie de notre narrateur, il aurait été
conçu lors de l’explosion de la bombe atomique
à Hiroshima, il serait le fils des enfers dont
l’œuvre ultime serait de détruire
la planète, une œuvre que bien sûr
personne ne pourra admirer, pas même le lecteur.
Dans Serpent Rouge, notre guide dans la sombre imagination
de Hideshi Hino est un jeune garçon qui vit dans
une maison labyrinthique vraiment très effrayante.
Il nous fait visiter son inquiétante maison,
demeure plongée au milieu d'une forêt épaisse
qu'il n'a jamais réussi à quitter malgré
ses tentatives répétées de fugue.
Nous découvrons tour à tour les membres
de sa famille qui valent vraiment le détour,
mais un détour pour les contourner... Tout d'abord,
le père qui élève des vers de terre
et autres bébêtes répugnantes dans
le but de nourrir ses poules. Si cette description paraît
normale, les actes du père sont pour le moins
très originaux. En effet, il tabasse des têtes
de poulets morts et surtout s'occupe de nourrir sa mère
qui, comment dire, apprécie grandement les vers
de terre puisqu'elle se prend pour une poule... Mais
la grand-mère n'est pas la seule à aimer
déguster des vers de terre, la sœur aînée
vole régulièrement dans les réserves
de son père pour nourrir ses appétits
contre nature. Le grand-père, une sorte de vieux
nabot tout rabougri, a pour principale occupation de
se faire soigner son énorme furoncle placé
sur son menton. Et son infirmière n'est autre
que la mère de notre jeune narrateur, une douce
et jolie jeune femme qui doit masser le furoncle avec
de l’œuf. Alors déjà que l’œuf,
c'est pas ragoûtant, en plus l'étaler et
le malaxer sur un furoncle pour en faire gicler le pus,
je vous raconte pas l'horreur ! Je terminerai cette
visite des lieux en évoquant l'énorme
miroir qui bloque l'accès à toute une
aile de la maison et qui empêche d'accéder
à la porte noire qui si elle était ouverte
apporterait le malheur sur toute la famille. Et bien
sûr, quelqu'un va ouvrir cette fameuse porte...
Le dessin de Hideshi Hino est noir et tourmenté
à souhait. Certaines scènes sont proprement
dégoûtantes et horrifiantes. Par moments,
c'est même difficilement supportable.
Autant Panorama de l'enfer pouvait être intéressant
à cause de l'évocation de la bombe atomique
et pouvait proposer au lecteur une réflexion
sur l'homme et son désir de domination, autant
le Serpent rouge n'est qu'une succession d'horreurs
à réserver aux amateurs du Creepshow et
autres joyeusetés.
Il me faut tout de même évoquer avant de
conclure les qualités indéniables de l'auteur
pour trouver des situations toujours plus horribles
et surtout son trait de crayon, très sombre et
qui souligne les moindres détails de l'horreur
qui se joue sous nos yeux révulsés.
Par Emilie Boudeau