Asian Connection, l'émission sur les cultures asiatiques - Radio Campus 88.1 - Mardi 19h/20h


tous les mardis de 19h à 20h sur Radio Campus Bordeaux 88.1
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Takeshi Kitano

1. 1989-1999

 

violent cop

Kitano réalise en 1989 « Violent Cop », un polar noir et ultra violent qui révèle au public japonais une nouvelle facette de son talent. Takeshi y joue le rôle d’un flic à la Clint Eastwood. Il joue les gros bras et s’amuse à faire régner la loi par la violence extrême et souvent injustifiée. Beat Takeshi impose d’emblée un style qui lui est propre. Une mise en scène épurée, de longs plans fixes, une violence non aseptisée qui pète à la gueule telle une grenade qui explose sans crier gare. Le réalisme de la violence voulu par le cinéaste et complètement justifiée par le récit qui se veut d’une noirceur indélébile. Ce film est une épreuve pour le spectateur et ne présente aucune alternative à la violence comme si c’était un passage obligé.

Une scène présente dans le film démontre que la solution choisie par le flic incarné par Beat Takeshi pour régler tous les problèmes est obligatoirement la

violence .Après une course poursuite qui n’en finit plus, pendant laquelle le flic ne renonce jamais à rattraper les fugitifs l’action se termine par un coup de batte de base-ball d’une violence sidérante qui cloue littéralement le spectateur dans son siège. Pour retrouver un tel degré de brutalité il faut chercher dans les films ou la violence apparaît au moment ou l’on ne l’attend pas, peut-être à la manière de « Casino » de Scorcèse où les apparitions de Joe Pesci se traduisent toujours par une débauche de violence insoupçonnée.

« Violent Cop » est peut être le film qui porte le mieux son nom, car la nuance n’est pas proposée par le réalisateur qui veut frapper un grand coup sur la table et qui y parvient indubitablement tel un Gaspard Noé jetant son « irréversible » à la gueule d’un cinéma français sur la défensive. « Violent Cop » est le film que Kitano devait faire pour entrer dans le monde des réalisateurs talentueux , il représente une étape indispensable à sa filmographie comme s’il était fait pour amorcer son œuvre à venir.

 

L’image donnée par Kitano est souvent liée aux personnages qu’il choisit d’incarner dans ses films. Ainsi on pourrait résumer Kitano comme étant le yakusa du cinéma. En effet, la mafia japonaise tient un rôle important dans presque tous les films de l’auteur. Son second film « Jugatsu » aussi connu sous le nom de « Boiling Point » raconte l’histoire d’un jeune japonais qui bosse pour un yakusa intolérant et qui va en rencontrer un autre encore pire. Une fois de plus la violence est là, toujours atroce, mais on voit émerger les prémices qui vont faire du cinéma de Kitano un cinéma fondé sur la dualité et l’existence d’une alternative au mal même si ce dernier finit souvent par clore le débat.

« Jugatsu » se situe dans la lignée de « Violent Cop » est continue, en quelque sorte l’introduction au cinéma de Kitano commencée un an plus tôt.

jugatsu - boiling point
Les deux premiers films du Maître japonais nous habitue à la définition kitanesque de la violence et de tout ce qui peut être sombre dans l’humanité. Notons que Beat Takeshi n’a pas jugé bon de proposer une musique dans Jugatsu comme pour rendre le film encore plus noir dans lequel la domination et la soumission sont omniprésentes. Les faibles n’ont qu’à pas être faibles après tout. Ils ne sont là que pour justifier le pouvoir des plus forts, voilà ce que dit le film.

 

a scene at the sea

Un jeune homme sourd et muet, éboueur, perdu dans ses pensées, accompagné très souvent de sa petite amie, trouve une planche de surf cassée en deux dans une poubelle, décide de la ramasser, de la réparer et d’apprendre à surfer. C’est ainsi que débute le troisième film de Kitano qui change de registre et propose un film émouvant à la lenteur reposante, à la beauté toute simple. « A scène at the sea » est un film poétique très loin de l’univers de « Violent Cop » et de « Jugatsu » et qui introduit le spectateur dans l’autre clivage de l’œuvre de Kitano à savoir la poésie. C’est le seul film du cinéaste où il n’y a pas de yakusa, ni de flics véreux, c’est aussi l’un des plus beaux films de sa filmographie.

Kitano, réalisateur peaufine son style et multiplie les plans fixes, parfois sa caméra continue à filmer alors que les personnages ont disparu. Le film est en fait une

peinture vivante dans laquelle la mer qui fascine le cinéaste depuis « Violent Cop » y tient le rôle principal. Les acteurs sont touchants, bercés par la superbe musique de Joe Hisaichi qui fait une entrée toute en finesse dans la galaxie Kitano. La mer est le seul endroit de paix pour les personnages du cinéma de Beat Takeshi, on la retrouvera dans ces futurs films « Sonatine » « Hana Bi » et « l’Eté de Kikujiro ». L’humour est là, le romantisme aussi et on se prend à rêver d’un film qui mêlerait la fulgurence de la violence de « Violent Cop » avec la poésie de « A scène at the sea »

 

La filmographie de Kitano n’est pas un hasard, tout est calculé, pensé et étudié. Ses trois premiers films achevés, introduisant le spectateur dans l’univers du cinéaste portent en eux les ingrédients de son quatrième et premier vrai chef d’œuvre, à savoir le génial « Sonatine ». Les yakusas sont de retour et la guerre des gangs fait rage. Les divers clans se tapent dessus et se tiraillent à coup d’attentats plus meurtriers les uns que les autres. Au milieu de ce carnage, un yakusa et sa bande vont se faire oublier sur la plage, là ou la mer protectrice est la plus proche. Les vagues rassurantes, le soleil rivalisant avec la pluie, une femme tombée là comme par enchantement vont transformer nos yakusas en véritables gamins.

Ces derniers vont s’adonner à des jeux tous hilarants, oubliant leur statut de gangster. Ces scènes présentent un humour idiot mais tellement jouissif que

sonatine
l’on se surprend à éclater de rire dans un film qui avait débuté dans un déluge de violence. C’est cette faculté qu’a Kitano de nous surprendre continuellement qui fait toute l’originalité de son cinéma. « Sonatine » est le rêve que tous les mordus de cinéma font toutes les nuits, un film surréaliste qui ne déçoit jamais et qui surprend toujours. La musique est formidable et prouve une nouvelle fois que Joe Hisaishi et Kitano sont faits pour s’entendre même si leurs relations de travail sont parfois délicates.
« Sonatine » n’est pas un film comique, son final où la violence retrouve sa place prouve que la solution est toujours ancrée dans la violence car elle renaît inexorablement de ses cendres.

 

kids return

La comédie est aussi un genre que Kitano apprécie mais on oubliera son cinquième film « Getting any » qui est un peu à part et qui ressemble davantage à Kitano homme de télé qu’à Takeshi Kitano réalisateur génial et éclairé. Le cinéaste japonais poursuit sa brillante carrière en signant « Kids Return » l’histoire de deux adolescents en échec scolaire qui vont se détourner des études pour suivre la voie du sport, à savoir la boxe ou encore celle de la délinquance en rejoignant des yakusas toujours aussi détestables avec les nouvelles recrues.

Ce film dans lequel Kitano n’apparaît pas est une vision très juste du monde adolescent, surpassant bien d’autres tentatives de réalisateurs qui s’intéressent plus au sexe qu’à autre chose. L’humour est toujours de mise, un peu à la manière de « Sonatine » et le film s’avère être une nouvelle réussite de Kitano qui se

révèle avoir un don dans le choix de ses acteurs qui sont toujours très bien choisis et dirigés. Notons que « Kids Return » est un peu autobiographique et que le cinéaste ne cache pas ses débuts de vie difficiles, c’est aussi une raison qui le pousse à signer des films désenchantés.

 

Le jury du festival de Venise de 1997 ne pouvait pas faire autrement que de décerner le lion d’or à Kitano pour son plus grand film, à savoir « Hana Bi ». Beat Takeshi incarne un flic qui voit sa femme être atteinte d’une maladie incurable et son meilleur ami handicapé par un fusillade qui a mal tournée. Il va tout lâcher pour se consacrer à sa femme et à son ami qu’il encourage à peindre. Le film est parsemé de peintures surréalistes toutes exécutées par Kitano himself et qui sont très réussies. Pour offrir les meilleurs derniers jours possibles à sa femme, Nishi va reculer devant rien, allant jusqu’à dévaliser une banque, traiter avec les yakusas ou encore tuer tous ceux qui se mettrons sur sa route.

Il va ainsi pouvoir offrir à sa femme une épopée en amoureux riche en péripéties diverses.

hana-bi
L’extrême violence va côtoyer le rire et l’émotion sera constamment au rendez-vous. Le silence va se mêler au bruit des détonations et des vagues venant mourir sur la plage, ultime lieu de calme et de vie. « Hana-Bi » est l’aboutissement d’un style qui y trouve ses lettres de noblesse. Si Takeshi Kitani maîtrise la mise en scène et la comédie, c’est aussi un excellent conteur de récit. C’est pourquoi il nous propose un montage très intéressant qui par des flashbacks rapides et rendant compte d’une violence débridée éclairent le récit qui gagne en dynamisme et interpelle le spectateur qui veut en savoir plus.
Hana-Bi est une œuvre profondément touchante et humaine qui ne laissera personne de marbre et les larmes risquent de couler tant le récit est déchirant. Le trio d’acteurs qui porte le film, composé de Beat Takeshi, Kayoko Kishimoto et Ren Osugi est étonnant de sincérité et d’humilité, encore un point très positif pour ce film qui restera un des fleurons du cinéma mondial.

 

l'été de kikujiro

En 1998, Kitano réussit un nouveau film intitulé « l’été de Kikujiro » pourtant boudé injustement par le jury de Cannes. Masao est un gamin de Tokyo qui vit avec sa grand-mère et qui décide de partir retrouver sa mère pendant les vacances. Le gamin va faire équipe avec un petit yakusa de pacotille interprété par Beat Takeshi. Au début rien ne les rapproche et pourtant au cours de leur voyage, ils vont apprendre à se connaître, vont faire des rencontres imprévues, parfois hilarantes, ils vont aussi faire beaucoup de bêtises et les situations seront souvent originales.

Ce film est un hymne à la vie et à l’espoir. Les personnages rencontrés sur la route par nos deux aventuriers sont pour la plus part à mourir de rire ! Mention spéciale à des motards qui ne savent pas quoi

faire de leur temps libre et qui vont se lier d’amitié avec Masao et son compagnon. Les gags rappellent ceux de « Sonatine » mais ne sentent en aucun cas le réchauffé. Le film est construit dans le plus pur style des autres productions du cinéaste et c’est un nouveau succès.

 

En 1999, sort sur les écrans le 9ème film de Kitano, « Aniki, mon frère ». Pour la première fois de sa carrière, le cinéaste japonais va déserter le Japon pour les Etats-Unis. Mais Kitano reste Kitano et on assiste à un film qui se situe dans le sillage de ses précédents polars où le côté obscur est très développé. Un yakusa part en exil à Los Angeles car son gang à été anéanti, afin de retrouver son frère. Là bas il va vite prendre les choses en main et va organiser une nouvelle guerre des gangs. La violence fait de nouveau rage dans le cinéma de Beat Takeshi, une violence implacable et viscérale qui n’est jamais complaisante. Toutes les races sont représentées et combattent côte à côte.

 

aniki

Kitano prouve qu’il est à l’aise n’importe où et continue à faire ce qu’il sait faire. Les acteurs qu’ils soient asiatiques, hispaniques ou afro-américains se marient tous au style de Kitano. Ce bonhomme est très doué, il se joue des difficultés et trace sa route sans se retourner tel un yakusa qui veut continuer à vivre. « Sonatine », « Jugatsu », « Kids Return » et « Violent Cop » sont édités en DVD chez Studio Canal, « Hana-Bi » est dispo chez Arté DVD tandis que « L’Eté de Kikujiro » et «Aniki, mon frère » sont distribués par TF1. « A scène at the sea » n’est toujours pas dispo en DVD mais la cassette vidéo conçue par HK vidéo est d’excellente facture. Ajoutons que le film « Battle Royale » réalisé par le vétéran Kinji Fukasaku et interprété par Beat Takeshi est sortit chez M6 DVD.

La suite : Dolls (2002)

Par Nicolas Loubère

 

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