Il était là,
costume cravate, dédicaçant à tour de bras,
pendant trois jours, toujours souriant, jamais lassé.
C’était début Novembre 2002 au festival
Cartoonist de Paris. Cet homme qui prône la gentillesse,
l’amabilité, et l’ouverture d’esprit
n’est autre que le dessinateur Hongkongais Andy Seto.
Andy Seto n’est pas
un mangaka, pourtant son travail n’est pas trop éloigné
du manga mais il n’est pas japonais, voilà ce qui
explique cela. De plus, Andy Seto travaille et aime travailler
la couleur qu’il contrôle de A à Z, sa liberté
est quasi-totale. La couleur apporte vraiment quelque chose
de nouveau dans les publications asiatiques. Lorsqu’on
parle des œuvres d’Andy Seto, on parle davantage
de comics. Mais attention, rien à voir avec les comics
américains. Pour Andy Seto, les comics d’outre
Atlantique se ressemblent tous les uns aux autres et les histoires
gravitent essentiellement autour des héros.
Andy Seto est le bdéiste
phare des années 90 à Hongkong, on peut même
penser qu’il a révolutionné le genre. Lorsqu’il
sort le premier volume de Cyber Weapon Z à Hongkong en
1993, le succès ne s’est pas fait attendre et deux
ans plus tard une édition française voyait le
jour, chez Tonkam. Toutes ses histoires sont liées avec
le monde des arts martiaux.
Andy Seto aime les arts martiaux
comme John Woo aime les armes, c’est à dire qu’il
apprécie fortement leur rendu visuel mais il ne pratique
pas. Cyber Weapon Z est centré sur les techniques martiales
et raconte comment développer l’être humain,
comment accomplir ce développement pour se parfaire.
Andy Seto rend hommage aux grands films d’arts martiaux
et aux grandes séries vidéo-ludiques comme Street
Fighter dont il s’est inspiré.
Aujourd’hui, les quatre
premiers tomes de son œuvre The King of Fighters Zillion
sont sortis en France chez Tonkam dans une somptueuse édition
toute en couleur. L’adaptation de ce célèbre
jeu vidéo compte 15 volumes au total et revient sur
l’affrontement éternel entre Kyo Kusanagi et Iori
Yagami.
Le style graphique est très
beau et les couleurs très bien choisies. Andy Seto n’a
en aucun cas trahi l’univers du jeu vidéo culte
et les personnages sont aussi intéressants que dans le
soft de SNK. Les effets de flammes et d’explosions atteignent
un degré de qualité supérieure. En effet,
et on ne le répétera jamais assez, Andy Seto maîtrise
la couleur comme personne. Dans la plupart des bd américaines,
la couleur tue le trait de crayon car elle est trop uniforme,
trop numérique et plutôt vulgaire. Ici, elle reste
au service du trait, elle renforce sa complexité et fait
ressortir le moindre détail. Les encrages sont magnifiques
et on a plus à faire à une gravure qu’à
un dessin de manga classique, un peu comme pour Gunnm où
les ombres ne sont pas constituées de simples trames
mais réalisées très soigneusement à
la plume.
Même si les dessins ne
sont pas toujours parfaits, Andy Seto maîtrise son sujet
et le rendu visuel est assez impressionnant. Au début
du premier tome de The King of Fighters Zillon, Kyo Kusanagi
et Iori Yagami se battent dans la neige. Le rendu graphique
des montagnes enneigées est tout simplement sublime et
original. Chaque vignette est une œuvre artistique à
part entière. Au fil des pages, on peut tout de même
affirmer qu’Andy Seto est plus à l’aise dans
le dessin des personnages masculins que féminins. En
effet, Mai Shiranui, parfois magnifique, n’est pas toujours
réussie, on lui préférera Chizuru Kagura
et son joli minois qui semble plus convenir à la plume
du dessinateur.
Le style artistique de Seto se
rapproche beaucoup du manga japonais et l’auteur affirme
vouer une admiration sans limite au mangaka Yusuhiko Yoshikazu
à qui l’on doit Orion ou Venus Wars. Il considère
ce dessinateur japonais comme un guide et pense que ses mangas
sont fabuleux et inestimables. Mis à part Yoshikazu,
Andy Seto apprécie aussi le style de Masamune Shirow.
Pour l’auteur de The King of Fighters Zillion, Shirow
détient la vraie vision du futur. Shirow, c’est
l’union parfaite entre la technologie et le beau, le créateur
d’un monde singulier et personnel.
En fait, ce qui caractérise
Seto, c’est son ouverture d’esprit. Il peut aimer
le travail de Shirow d’un côté et de l’autre
respecter celui de Rumiko Takahashi par exemple. Il trouve que
les réalisations de la célèbre autrice
de Ranma ½ sont à la fois drôles et amusantes,
tristes et excitantes. Si les arts martiaux sont au cœur
des publications d’Andy Seto, les histoires ne sont pas
en reste et donnent la part belle à l’honneur,
à la trahison et au dépassement de soi. Le tome
n°1 de The King of Fighters Zillion possède une trame
scénaristique très intéressante et le désir
d’en savoir plus est constamment présent. La réussite
graphique s’allie à merveille avec l’histoire
riche en rebondissements.
De plus, les fans du jeu vidéo
qui a inspiré cette BD de Hongkong ne seront pas déçus
car l’auteur a respecté scrupuleusement les coups
spéciaux des combattants et on retrouve à peu
près toutes les attaques de chacun. Les traductions françaises
de certaines techniques de combat peuvent parfois surprendre.
Ainsi on peut lire : « le feu démoniaque »,
« l’attaque des 8 calices de saké »,
« la tornade du triple écho », « l’éventail
du papillon », « la danse du phénix »
et bien d’autres encore.
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Pour Andy Seto, les mangas
ne subissent pas la pression habituelle imposée par
notre société, ils peuvent donc se développer
librement et créer de nombreuses formes d’histoires
différentes, chose qui n’est pas le cas dans
les Bd chinoises au contenu limité. Andy Seto, lui,
fait du manga sans être un mangaka et c’est
tant mieux car on peut facilement penser que si son style
ne se rapprochait pas du style japonais, jamais nous n’aurions
pu lire, en France, ses œuvres qui ne sont pas dénuées
d’intérêt. |
On peut rendre hommage à
Tonkam pour sa luxueuse publication même si on peut rencontrer
par si par là des petites erreurs de traductions. C’est
simple, l’objet en lui même est tellement beau,
qu’on se surprend presque à mettre des gants pour
ne pas abîmer The King of Fighters Zillion. Si cette chronique
vous a donné envie de lire les œuvres d’Andy
Seto, sachez que ce fan de Terminator, de Steven Spielberg et
de Chow Yun Fat est en train de travailler sur une BD adaptée
du roman dont est tiré le célèbre film
Tigre et Dragon, ce qui est une excellente nouvelle.
Par Nicolas Loubère