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Tsui Hark est souvent
considéré comme le Spielberg de Hongkong.
Il partage avec son homologue américain, la même
passion pour le cinéma. Il ne cesse de vouloir
innover et faire avancer le cinéma dans sa globalité.
Parfois certains choix de Tsui Hark peuvent désorienter
ou dérouter mais il a cette force de caractère
pointée vers l’avant, vers l’avenir.
Il est de ses hommes perfectionnistes qui savent utiliser
les expériences du passé pour enfin s’approprier
le présent. Tsui Hark est un visionnaire touche
à tout qui a fait de son cinéma, un cinéma
pluriel, véritable patchwork transpirant de maîtrise
et de vie. Avec près de 30 films au compteur, Tsui
Hark est le chef de file du cinéma de Hongkong,
patron d’un cinéma à la recherche
d’un second souffle, d’une nouvelle énergie,
un |
cinéma qui ne
doit pas exister seulement dans une logique de technicité
vouée à combler les manques d’un cinéma
américain sur les gentes. |
Tsui
Hark est né au Vietnam en 1951. Il se retrouve
rapidement à Hong Kong vers 1967 où il découvre
le cinéma cantonais qui le passionne déjà.
C’est cet amour du cinéma qui pousse le jeune
Tsui Hark à aller étudier aux Etats-Unis.
De retour en 1977 dans sa patrie, proche de ses racines,
il réalise son premier film « The Butterfly
Murders » qui fait un flop au box office local.
Déjà, dès ce premier film il impose
pourtant un style qui fera quelques années plus
tard, son succès. Cet échec ne décourage
pas Tsui Hark qui enchaîne avec « Histoire
de Cannibales » qui ne marche pas plus au box-office.
En 1980, le cinéaste signe « L’Enfer
des Armes » qui l’ancre dans la catégorie
des réalisateurs barbares et incontrôlables.
Ce troisième film, sorte d’ « Orange
Mécanique » chinois présente une ultra
violence rare baignée dans un noir absolu, sans
refuge ni retraite, laissant peu de place à l’innocence, |
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inaccessible pour la plupart des personnages
du film. La noirceur de « L’enfer des Armes
» est renforcée par un réalisme cru
des images allié à une réalisation
sobre et efficace. Une chose est sûre, un cinéaste
est né. |
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Le début des
années 80 est marqué par le déclin
du cinéma populaire et traditionnel Chinois et
les films de la Shaw Brothers ne font plus les mêmes
recettes que par le passé. C’est l’occasion,
pour toute une génération de réalisateurs
de jouer dans la cour des grands. On peut parler d’une
nouvelle vague dans le cinéma Hongkongais. Evidement,
l’ami Tsui Hark en fait partie. Le Wu
Xia Pian, passé de mode depuis des années
s’apprête à faire un retour fracassant
dans les salles obscures de la péninsule sous la
houlette du jeune Tsui. Le film en question, c’est
« Zu les guerriers de la montagne magique ».
Hark en chamboule tous les codes, qu’ils soient
scénaristiques ou visuels pour se réapproprier
le genre et faire un film |
comme on en avait pas
encore vu à Hongkong. « Zu » est un
peu la réponse chinoise à Star Wars car
à l’instar du film de Georges Lucas, il est
jonché d’effets spéciaux. D’ailleurs
il est à noter que certains membres de la trilogie
Star Wars étaient présent, en 1982 à
Hong Kong afin d’apporter leur savoir à Tsui
Hark. « Zu » est devenu un film culte qui
ne cesse pas d’augmenter son aura internationale.
Même si le film est aujourd’hui visuellement
un peu juste et dépassé, il faut le replacer
dans son contexte historique. La réalisation est
alerte, frénétique et spectaculaire sans
placer l’intrigue au rang de faire valoir. Les acteurs
y croient et le cinéma populaire vient de se trouver
un nouveau départ, insufflé par un génie
de l’image. |
En 1984, pour éviter
les bras de fer avec les gros studios de l’époque
qui pourraient freiner son énergie, Tsui Hark fonde
sa propre maison de production : la Film Workshop. L’objectif
de la maison est de laisser carte blanche aux réalisateurs
pour qu’ils puissent donner toute la mesure à
leurs talents. On verra que par la suite Tsui Hark deviendra
comme la plupart des producteurs : un petit dictateur
de l’industrie |
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cinématographique.
Son charisme lui vaut la faveur de tous les réalisateurs
prometteurs qui finissent presque tous à le rejoindre.
John Woo, déjà considéré comme
un vétéran et papa d’une quinzaines
de comédies potaches étouffant son talent
arrive lui aussi à la Film Workshop. John Woo peut
enfin mettre en chantier un film personnel car Tsui Hark
l’encourage à le faire, lui donnant carte
blanche. Woo signe alors « Le Syndicat du Crime
» produit par Tsui Hark et pulvérise le box-office
de Hongkong. La Workshop triomphe et la suite réalisée
dans la foulée remporte elle aussi tous les suffrages. |
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En 1989, Tsui Hark
produit « Histoires de fantômes chinois »
dirigé par Ching Siu Tung et c’est à
nouveau un raz de marais populaire, que ce soit en Asie
ou en Europe où le film est remarqué lors
de nombreux festivals.
La politique de Tsui Hark, à savoir de relancer
le cinéma populaire à Hongkong s’avère
payante et il devient vite le monsieur tout puissant de
l’industrie du cinéma Honkongais qui reprend
du poil de la bête. |
Mais l’ami Tsui Hark intervient
de plus en plus d’une main de fer dans tous les
films qu’il produit, ce qui provoque le départ
de John Woo qui s’exile pour réaliser «
Une balle dans la tête », film qui deviendra
le chef d’œuvre qu’on sait. Tsui Hark,
qui avait donc refusé de produire le film de Woo,
en reprend pourtant un bon nombre d’idées
pour mettre en scène lui même le troisième
volet starring Chow Yun Fat de la série du «
syndicat du crime ».
« Le Syndicat du crime 3 » est un bon film
qui ne parvient pourtant pas à égaler les
deux premiers opus de John Woo qui restera le plus à
même de réaliser ce type de film. |
En 1991, après
avoir co-signé « Swordman » avec une
fourchette d’autres réalisateurs, il imagine
et met en scène le premier volet de sa série
culte de chez culte : « Il était une fois
en Chine » et travaille pour la première
fois avec le champion national de Wu Shu et star montante
du cinéma d’action Hongkongais : Jet Li.
L’acteur incarne Wong Fei Hung, une figure emblématique
de l’histoire Chinoise. Leur association débouche
sur |
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la naissance d’un
chef d’œuvre du cinéma mondial qui consacre
le talent de Tsui Hark.
Le dossier sur Jet Li vous apprendra en quoi « Il
etait une fois en chine » est une leçon de
cinéma. Il y a tout dans ce film : de l’action,
des chorégraphies de légende, des sentiments,
de l’humour mais aussi une formidable réflexion
sur la Chine face à son occidentalisation. Tsui
Hark se positionne comme un témoin de l’histoire
de son pays sans pour autant oublier ce qui fait la force
de son cinéma, c’est à dire une caméra
douée de vie alliée à son vœu
de faire perdurer et prospérer le cinéma
populaire Honkongais. Inutile de préciser que le
film est un succès de plus au box office pour la
Film Workshop. |
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Tsui Hark poursuit
sa carrière et s’assoit un peu plus encore
sur le trône de roi du cinéma local et met
en scènes deux suites à son succès
de 1991. « Il était une fois en Chine 2 la
Secte du Lotus Blanc » voit le jour en 1992 et «
Il était une fois en Chine 3 Le Tournoi du Lion
» sort sur les écrans en 1993. Ces deux suites
font durer encore un peu plus le plaisir que l’on
éprouve devant la vision de cette saga si spectaculaire
et intelligente. |
Pour ma part mon épisode
préféré est le deuxième, suivent
le premier et le troisième. Tsui Hark reviendra
sur cette série à 3 reprises en tant que
producteur pour des épisodes un peu moins bon,
sans Jet Li pour deux d’entre eux. |
En 1993, Tsui Hark réalise « Green Snake
» avec Maggie Cheung. Ce film d’un visuel
venu d’ailleurs, d’une beauté à
couper le souffle demeure un film étrange qui
peut dérouter comme fasciner. A noter le personnage
du moine interprété par Chiu Man Chuk
qui vous surprendra assurément. Ce film qui ne
ressemble à aucun autre est une expérience
à part pour tous les cinéphiles qui se
respectent.
L’année suivante, le génial Tsui
Hark signe « The Lovers ». Le film est une
ode à l’amour.
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Un amour impossible,
contrarié par des traditions laissant peu de place
aux sentiments. Le plus beau film du réalisateur,
une des plus belles histoires d’amour du septième
art. Jamais Tsui Hark ne tombe dans la niaiserie, jamais
il ne succombe à la facilité, jamais il
ne trahit ses personnages ni le spectateur. Il ne se laisse
pas non plus manipuler par l’univers du mélo
larmoyant. Les larmes qui coulent sur le visage pendant
le visionnage du film sont naturelles et honnêtes,
pas voulues ou provoquées consciemment. Le couple
interprété par Charlie Young et Nicky Wu
est renversant de charme et de simplicité. Tsui
Hark fera de nouveau appel à ces deux acteurs un
an plus tard pour le film d’aventures : «
Dans la nuit des temps » mais avec toutefois un
peu moins de réussite. |
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Outre ce film sorti
en 1995, cette année va être marquée
par la sortie deux autres films de Tsui Hark qui les enchaîne
tel un forcené. « The Blade » constitue
le renouveau du Wu Xia Pian. Ce film centré sur
la légende du combattant manchot est le retour
du réalisateur dans le cinéma noir violent
et viscéral de ses débuts. Chiu Man Chuk
interprète le premier rôle de ce film parfait
qui ne laisse personne indifférent. Tsui Hark prouve
une nouvelle fois sa capacité à se trouver
là où on ne |
l’attend
pas, faisant de son cinéma un art qui s’avère
être un formidable moyen d’expression. A noter,
le prodigieux combat final du film qui oppose Chiu Man
Chuk et Hung Yan Yan qui restera comme un des plus grand
si ce n’est le plus grand duel de l’histoire
du cinéma, loin des idéaux du cinéma
moderne de ce début de siècle.
Toujours en 1995, pour
le nouvel an Chinois, Tsui Hark offre « Le Festin
Chinois » au public Hongkongais dans lequel Leslie
Cheung triomphe. Cette comédie débridée
est une réussite et on se pose encore la même
question que dans quasiment tous les films du maître
: «Mais comment fait-il pour trouver toutes ses
idées de mise en scène ? ».
Tsui Hark se laisse alors
tenter par Hollywood et réalise deux films américains
avec Jean Claude Van Damme qu’on ne préfère
pas évoquer ici, mais dont on parle un peu par
là... |
En 2000, le pape du
cinéma Honkongais retourne au bercail et nous fait
un superbe cadeau : « Time and Tide », polar
survitaminé, d’une rapidité et d’un
dynamisme encore jamais atteints, réalisé
par un extra-terrestre du cinéma doté de
caméras vivantes. Vous l’aurez compris «
Time and Tide » est le film que Tsui Hark devait
faire pour prouver que son art ne s’était
pas évaporé dans ses 2 expériences
d’outre-Atlantique. |
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En 2001
il revient à ses débuts en mettant en scène
une suite à son film culte de 1982 « Zu les
guerriers de la montagne magique ». « Legend
of Zu » et ses effets spéciaux à foison
est toujours inédit en France, le DVD import (avec
sous titres anglais) est donc le seul moyen de le voir.
Mais l’intrigue complexe ne permet pas une bonne
vision, que font les distributeurs ?
Tsui Hark reste un des
plus grands réalisateurs Hongkongais de tous les
temps, difficilement copiable, plutôt intouchable.
Par Nicolas Loubère |
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